Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/12

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Ici je reste seule en proie à la détresse,
Quand tu devrais suivre mes lois.

« Ici tu ne viens plus à la fidèle épouse
Prodiguer un amour vainqueur ;
De me voir vivre ou non ta flamme est peu jalouse ;
Ainsi du moins le croit mon cœur.

« Ce n’était point l’ardeur qu’au palais de mon père
De toi reçurent mes aveux ;
Tu m’annonçais alors un avenir prospère,
Tout semblait sourire à mes vœux.

« L’aube éveillait mon cœur plus gai que l’alouette,
Et plus pur que la fleur des champs ;
Comme l’oiseau, ma joie, au matin non muette,
Jusqu’au soir fredonnait des chants.

« Si parmi les beautés que la cour idolâtre
Mes attraits ont eu moins de prix,
Pourquoi m’enlevas-tu d’un asile où, folâtre,
Je m’assurais les cœurs épris ?

« Quand au lit nuptial je me vis amenée,
— Combien tu me plais ! disais-tu ;
Triomphant, tu cueillis la rose d’hyménée,
Et l’exil paya ma vertu.

« La rose dépérit, l’oubli la décolore ;
Négligé, le lis est mourant :
Celui qui loua tant leurs charmes près d’éclore,
Semble à leur perte indifférent.

« Quand la voix du chagrin élève sa prière,
Quand l’amour n’a plus d’aiguillon,
La beauté la plus pure abrège sa carrière :
Quel myrte affronte l’aquilon ?

« De la beauté, dit-on, la cour devient le trône,
Ou le tombeau de sa candeur ;
Les lis majestueux que l’Orient nous prône
Ont moins de grâce et de splendeur.

« Pourquoi laisser alors ces superbes conquêtes,
Ces fleurs si brillantes d’attraits,
Pour une primevère à l’abri des tempêtes,
Qui du soleil fuyait les traits ?

« Moi je brillais parmi les nymphes de campagne ;
De simples fleurs ornent les champs :
Là de quelque berger j’eusse été la compagne,
Mon cœur eût comblé ses penchants.