Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/13

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« Mais je m’abuse, ou bien, Leicester, sur ton âme
La beauté n’eut pas de pouvoir ;
L’ambition plutôt que le cœur d’une femme
D’hymen fit rompre le devoir.

« Alors (car l’offensée a son droit à la plainte),
Volage Leicesler, pourquoi
Rechercher au village une vierge sans feinte,
Lorsqu’une reine était à toi ?

« Pourquoi ta bouche a-t-elle exalté d’humbles charmes,
Pour m’exiler en ce séjour ?
Pourquoi m’avoir conquise et me laisser aux larmes
Qu’ici je répands nuit et jour ?

« Des filles du hameau l’innocence, à ma vue,
De respect cadence un refrain,
Et ne se doute guère, alors qu’elles m’ont vue,
Combien m’oppresse le chagrin.

« Elles ne savent point dans leur simple demeure
Combien préférable est leur sort :
Le plaisir leur sourit, tandis que moi je pleure,
Et que mon âme est sans ressort.

« Crédules qu’elles sont ! leur foi me porte envie,
Lorsque la peine me flétrit,
Comme la jeune plante, à sa tige ravie,
Sans aliment tombe et périt.

« Leicester, cette paix qu’offre la solitude,
Cruel, je ne puis en jouir ;
Car de tes surveillants l’âpre sollicitude
M’empêche de m’épanouir.

« Dans la vallée ombreuse où parfois je m’engage,
Hier la cloche a résonné ;
De l’œil chacun semblait me tenir ce langage :
— Comtesse, ton heure a sonné !

« Et tandis qu’au village à présent tout sommeille,
Des guérets j’ai foulé le sol ;
Rien ne vient soulager ma tristesse qui veille,
Rien que la voix du rossignol.

« Mon pas est incertain, mon cœur gros de souffrance ;
J’attends le signal de la mort ;
Car tout semble me dire : — Il n’est plus d’espérance ;
Comtesse, il faut quitter ce bord. »

Ainsi captive et seule, une aimable comtesse
À Cumnor disait ses malheurs ;