Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/172

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duit par un des domestiques du comte, tandis qu’un autre allait informer Sussex de son arrivée. Il y avait un contraste remarquable entre le costume, l’air et les manières de ces deux personnages. Le costume du plus âgé, qui paraissait un homme de qualité et dans la force de l’âge, était simple et militaire : sa taille était petite ; ses traits, de ceux qui annoncent un jugement sain, mais sans la moindre dose d’esprit ou d’imagination. Le plus jeune, qui semblait âgé de vingt ans au plus, était vêtu de la manière la plus élégante, et selon la mode des personnes de qualité à cette époque ; il portait un manteau de velours cramoisi galonné et brodé, avec un bonnet de même étoffe entouré d’une chaîne d’or qui en faisait trois fois le tour, et était fermée par un médaillon. Ses cheveux étaient arrangés à peu près comme ceux des élégants de nos jours, c’est-à-dire relevés en l’air, et il portait une paire de boucles d’oreilles d’argent, ornées chacune d’une très grosse perle. La figure de ce jeune homme, d’ailleurs beau et bien fait de sa personne, était si animée et si expressive, qu’elle annonçait la fermeté d’un caractère décidé, le feu d’une âme entreprenante, la puissance de réfléchir et la promptitude de résolution.

Ces deux gentilshommes étaient à peu près dans la même posture, assis près l’un de l’autre sur un banc, mais chacun d’eux semblait livré à ses réflexions, et tenait ses yeux fixés sur le mur en face sans rien dire à son voisin. Les regards du plus âgé annonçaient par leur expression qu’il ne voyait sur la muraille que les objets qui s’y trouvaient suspendus, des manteaux, des cornes de cerf, des boucliers, de vieilles pièces d’armures, des pertuisanes, meubles ordinaires de pareils lieux. Le regard du jeune élégant étincelait d’imagination ; il était plongé dans une profonde rêverie : on eût dit que l’espace qui le séparait du mur était un théâtre sur lequel son esprit passait en revue des personnages de sa création, et qui lui offrait un spectacle bien différent de celui que le réveil de sa vue matérielle lui eût montré.

L’entrée de Tressilian les tira de leur méditation ; tous deux lui firent le meilleur accueil ; le jeune homme en particulier l’aborda avec un air d’affection et de cordialité très marqué.

« Tu es le bien-venu, Tressilian, dit le plus jeune ; ta philosophie t’a dérobé à notre société quand cette maison offrait des attraits à l’ambition ; c’est une noble philosophie, puisqu’elle te ramène parmi nous quand il n’y a que des dangers à courir.

— Milord est-il donc si dangereusement malade ? dit Tressilian.