Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/281

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— Hélas ! madame, où voudriez-vous fuir, et par quels moyens pourriez-vous vous échapper de cette enceinte ?

— Je ne saurais le dire, Jeannette, » dit l’infortunée comtesse en levant les yeux au ciel et joignant les mains ; « je ne sais où je fuirai ; mais je suis certaine que le Dieu que j’ai servi ne m’abandonnera pas dans cette terrible crise, car je suis entre les mains des méchants.

— Ne croyez pas cela, ma chère dame, dit Jeannette ; mon père est d’un caractère sévère et rigide, et il exécute ponctuellement les ordres qu’on lui donne ; mais cependant… »

En ce moment Foster entra dans l’appartement, portant dans sa main une coupe de verre et une petite fiole. Ses manières étaient étranges ; car bien qu’il n’approchât jamais la comtesse qu’avec le respect dû à son rang, il avait pourtant toujours laissé éclater, ou plutôt il n’avait pu réussir à dissimuler la brusquerie ordinaire de son caractère ; et, comme ceux qui ont ce malheureux défaut, il le faisait surtout sentir à ceux sur lesquels les circonstances lui donnaient quelque autorité. Mais cette fois, il ne montra rien du ton désagréablement impérieux qu’il avait coutume de cacher sous une affectation maladroite de civilité et de déférence, comme un brigand cache ses pistolets et son poignard sous son mauvais manteau. Cependant son sourire semblait être l’expression de la crainte plutôt que de la politesse, et en pressant la comtesse de goûter d’un excellent cordial propre à calmer ses sens, après la secousse qu’elle venait d’éprouver, il avait l’air d’être le complice de quelque nouvel attentat contre elle. Sa main aussi tremblait, sa parole était entrecoupée, et il y avait dans sa manière d’être quelque chose de si suspect, que sa fille Jeannette, après être demeurée quelques secondes à le regarder avec étonnement, sembla tout-à-coup se recueillir pour exécuter quelque dessein hardi. Elle leva la tête, prit un air et une attitude de résolution et d’autorité ; et se plaçant doucement entre son père et sa maîtresse, elle prit la coupe de la main de celui-ci, et dit d’un ton bas, mais ferme et décidé : « Mon père, je remplirai la coupe pour ma noble maîtresse, quand ce sera son bon plaisir.

— Toi, ma fille ? » dit Foster vivement et avec effroi… « Non, mon enfant… ce ne sera pas toi qui rendras ce service à milady.

— Et pourquoi ? je vous prie, dit Jeannette, s’il est absolument nécessaire qu’elle boive de ce cordial ?

— Pourquoi ? pourquoi ? » dit le sénéchal en hésitant ; puis se