Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/285

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— M. Holdforth n’a jamais rien dit de tout cela, » répondit Foster d’un air de doute ; « et de plus, docteur Alasco, la sainte Écriture dit que l’or et les pierres précieuses de la Cité sainte ne sont nullement pour ceux qui commettent l’abomination et qui forgent les mensonges.

— Fort bien, mon fils ; mais qu’en concluez-vous ?

— Que ceux qui distillent les poisons et les administrent en secret ne peuvent avoir part à ces ineffables richesses.

— Il faut savoir établir une distinction, mon fils, entre ce qui est nécessairement mal dans ses moyens et dans sa fin, et ce qui, tout en étant mal en soi, peut néanmoins produire le bien. Si, par la mort d’une personne, nous pouvons avancer l’heureuse période où il suffira pour atteindre le bien de désirer sa présence, pour échapper au mal de désirer son éloignement ; où la maladie, la souffrance, le chagrin, seront les obéissants serviteurs de la sagesse humaine, et seront mis en fuite au moindre signal du sage ; où tout ce qu’il y a maintenant de plus riche et de plus rare sera à la portée de quiconque obéira à la voix de la sagesse ; où l’art de guérir se perdra et se confondra dans le remède universel ; où les sages deviendront les monarques de la terre, et où la mort elle-même se retirera devant leur puissance : si, dis-je, cette bienheureuse consommation de toutes choses peut être accélérée par une circonstance aussi légère que de faire descendre au tombeau, quelques instants avant l’arrêt de la nature, un corps fragile et terrestre qui tôt ou tard doit participer à la commune corruption, qu’est-ce qu’un pareil sacrifice quand il s’agit d’avancer l’époque du saint Millenium.

— Le Millenium[1] est donc le règne des saints ? » dit Foster du même air de doute.

« Dis que c’est le règne des sages, mon fils, répondit Alasco.

— J’ai touché cette dernière question avec M. Holdforth lors de notre dernière conférence du soir, dit Foster ; mais il prétend que votre doctrine est hétérodoxe, et que c’est une explication fausse et damnable.

— Il est dans les liens de l’ignorance, mon fils, répondit Alasco, et brûle encore des briques en Égypte, ou tout au plus erre-t-il dans les déserts arides de Sinaï. Tu as mal fait de parler de ces sor-

  1. Millenium. Cette opinion appartient à une secte religieuse qui soutenait que mille ans après le jugement dernier la terre serait un paradis pour les élus de Jésus-Christ. a. m.