Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/295

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cisienne par un collet de dentelle ouvert et échancré, afin qu’on puisse voir ton joli cou. Change-moi aussi ce juste d’indienne avec sa garniture grossière, bon tout au plus pour une femme de chambre, contre une robe de velours triple en drap d’or… Tu trouveras dans ma chambre beaucoup de ces étoffes, je te les donne de bon cœur. Il faut te faire belle, Jeannette ; car bien que tu ne sois maintenant que la suivante d’une dame errante et malheureuse, tu dois être habillée comme il sied à la dame d’honneur et la confidente la plus intime de la première comtesse d’Angleterre.

— Dieu vous écoute, ma chère maîtresse ; non pour que je porte de plus beaux vêtements, mais pour que nous puissions porter toutes deux nos justes sur des cœurs plus tranquilles. »

À ce moment, la serrure de la porte de sortie, que Jeannette s’efforçait depuis long-temps d’ouvrir, céda enfin au passe-partout, et la comtesse, non sans un frissonnement intérieur, se vit hors des murs que les ordres sévères de son époux avaient assignés pour limites à ses promenades. Wayland, qui attendait leur arrivée avec une vive anxiété, était à quelque distance, caché derrière une haie qui bordait la grande route.

« Tout est-il prêt ? « demanda Jeannette d’un ton inquiet, comme il s’approchait d’elle avec précaution.

« Oui, répondit-il ; mais je n’ai pu me procurer un cheval pour la dame. Giles Gosling, ce vil poltron, n’a voulu à aucun prix m’en louer un, de peur qu’il ne lui en arrivât malheur : mais n’importe, elle montera le mien, et je marcherai à côté d’elle jusqu’à ce que je trouve un autre cheval. On ne nous poursuivra pas, si vous n’oubliez pas, jolie Jeannette, la leçon que je vous ai faite.

— Pas plus que la sage veuve de Tekoa n’oublia les paroles que Joab mit dans sa bouche, répliqua Jeannette : demain je dirai que ma maîtresse est hors d’état de se lever.

— Oui, et qu’elle éprouve du malaise, une grande pesanteur de tête, des palpitations de cœur, et qu’elle ne veut pas être troublée. N’ayez pas peur, ils sauront ce que cela veut dire, et ne vous ennuieront guère de leurs questions : ils connaissent la nature de cette maladie.

— Mais, dit la comtesse, ils découvriront bientôt mon absence, et l’assassineront pour se venger. J’aime mieux rentrer que de l’exposer à un pareil danger.

— N’ayez point d’inquiétude sur mon compte, madame, dit Jeannette ; je voudrais que vous fussiez aussi sûre d’obtenir satisfaction