Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/296

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de ceux auxquels vous devez vous adresser, que je le suis que mon père, malgré toute sa colère, ne souffrira pas qu’on me fasse du mal. »

En ce moment, Wayland plaça la comtesse sur son cheval, dont il avait recouvert la selle de son manteau, en l’arrangeant de manière à lui former un siège commode.

« Adieu, et que la bénédiction du ciel vous accompagne ! » dit Jeannette en baisant de nouveau la main de sa maîtresse, qui lui rendit sa bénédiction par une caresse muette. Elles se séparèrent alors, et Jeannette, en s’adressant à Wayland, s’écria : « Puisse le ciel vous tenir compte de vos œuvres, selon que vous serez fidèle ou déloyal à l’égard de cette dame malheureuse et abandonnée !

— Ainsi soit-il ! charmante Jeannette, répondit Wayland ; croyez-moi, je m’acquitterai de ma commission de manière à donner à vos jolis yeux, quelque saints qu’ils soient, la tentation de me regarder avec moins de dédain la première fois que nous nous reverrons. »

La dernière partie de cet adieu fut dite à l’oreille de Jeannette, et quoiqu’elle n’y eût point fait de réponse directe, ses manières, dictées sans doute par le désir de n’atténuer aucune des circonstances qui pouvaient contribuer à sauver sa maîtresse, étaient de nature à ne pas détruire entièrement l’espoir qu’exprimaient les paroles de Wayland. Elle rentra par la porte dérobée, et la ferma derrière elle, tandis que Wayland, en marchant près de la tête du cheval, commença à guider silencieusement la comtesse dans son périlleux voyage qu’éclairait la lune.

Quoique Wayland usât de toute la diligence possible, cette manière de voyager était si lente que, lorsque le jour commença à poindre à travers les vapeurs de l’orient, ils ne se trouvèrent guère qu’à dix milles de Cumnor.

« Peste soit des aubergistes au langage doucereux ! » dit Wayland incapable de dissimuler plus long-temps son dépit et son inquiétude. « Si ce traître maudit de Giles Gosling m’avait déclaré, seulement il y a deux jours, que je ne devais point compter sur lui, je me serais arrangé en conséquence ; mais ils ont tellement l’habitude de promettre tout ce qu’on leur demande, que ce n’est qu’au moment de ferrer le cheval que vous vous apercevez qu’ils n’ont pas de fer. Si je l’avais su, j’aurais pu trouver vingt expédients pour un ; et même dans cette circonstance, et pour une si bonne cause, je n’aurais pas hésité à enlever un cheval dans quelque prairie voisine, sauf à renvoyer l’animal au bourgmestre. Que le farcin et la morve emportent tous les chevaux des écuries de l’Ours-Noir !