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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/328

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à titre de grâce et comme le dernier embarras que te donnera une femme infortunée, de remettre cette lettre au noble comte de Leicester. De quelque manière qu’elle soit accueillie, » ajouta-t-elle avec un air d’agitation qui participait de la crainte et de l’espérance, « je te le promets, brave homme, tu n’auras plus à te déranger pour moi. Mais j’ai bon espoir ; et si jamais dame a enrichi un pauvre serviteur, tu as certainement mérité que je le fasse pour toi, et je le ferai si mes jours de bonheur luisent de nouveau pour moi. Remets, je t’en prie, cette lettre entre les mains du lord Leicester, et observe de quel air il la recevra. «

Wayland se chargea sur-le-champ de la commission ; mais, à son tour, il pria instamment la comtesse de prendre quelque nourriture ; ce qu’elle finit par faire moins par goût que pour se délivrer de ses importunités, et afin qu’il partît aussitôt après pour porter sa lettre. Il la quitta alors, en lui recommandant de fermer sa porte en dedans, et de ne pas sortir de son petit appartement ; puis il alla chercher une occasion d’accomplir son message et d’exécuter un projet de sa conception que les circonstances lui avaient dicté.

Dans le fait, en considérant la conduite de la comtesse pendant le voyage, ses longs accès de silence, l’irrésolution et l’incertitude qui semblaient présider à toutes ses démarches, et son incapacité visible de penser et d’agir par elle-même, Wayland s’était formé l’opinion assez vraisemblable que les embarras de sa position avaient, jusqu’à un certain point, affecté son intelligence.

Lorsqu’elle se fut échappée de sa prison de Cumnor-Place, et qu’elle se fut dérobée aux dangers qui l’y menaçaient, le parti le plus raisonnable eût été pour elle de se retirer chez son père, ou partout ailleurs, loin de ceux qui lui avaient suscité ces dangers. Quand, par une manière d’agir toute différente, elle demanda à être menée à Kenilworth, Wayland n’avait pu se rendre compte de sa conduite, qu’en supposant qu’elle avait l’intention de se mettre sous la garde de Tressilian et de recourir à la protection de la reine. Mais maintenant, au lieu de suivre une route si naturelle, elle lui remettait une lettre pour Leicester, le patron de Varney, et avec l’aveu duquel, sinon par son commandement exprès, elle avait enduré tous les maux auxquels elle venait de se soustraire. Cette démarche parut à Wayland une imprudence, même un acte de désespoir ; et il commença à craindre pour sa propre sûreté non moins que pour celle de la dame, s’il remplissait sa commission avant de s’être assuré de l’approbation et de l’appui d’un protecteur. Il réso-