Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/374

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moi, faisant une aussi piteuse grimace que s’il eût eu de la bouillie brûlante dans la bouche, j’ai eu bien de la peine à m’empêcher de lui donner de l’épée sur le crâne, au lieu de le frapper sur l’épaule.

— Votre Majesté lui a donné une rude accolade, dit la duchesse ; nous qui étions derrière, nous avons entendu le bruit de l’épée retentir sur les clavicules, et le pauvre homme en a tressailli comme s’il l’avait bien senti.

— Je n’ai pu m’en empêcher, ma chère, dit la reine en riant ; mais nous enverrons ce sir Nicolas en Irlande ou en Écosse pour débarrasser notre cour d’un si grotesque chevalier. »

La conversation devint alors plus générale, et bientôt après on annonça le souper.

La compagnie fut obligée de traverser la cour intérieure du château qui conduisait à des bâtiments neufs dans lesquels se trouvait la vaste salle à manger où les préparatifs du banquet avaient été faits avec une profusion et une magnificence digne de la circonstance.

Pendant ce trajet, et surtout dans la cour, les nouveaux chevaliers furent assaillis par les hérauts, les poursuivants d’armes et les ménestrels, des cris ordinaires de : Largesse ! largesse, chevaliers très hardis ! — ancienne invocation destinée à exciter la générosité des nouveaux membres de la chevalerie envers ceux qui étaient chargés d’enregistrer leurs armoiries et de célébrer les exploits par lesquels ils s’étaient illustrés. Cet appel fut naturellement accueilli avec libéralité et courtoisie par ceux auxquels il était adressé. Varney distribua ses largesses avec une affectation de complaisance et d’humilité ; Raleigh départit les siennes avec l’aisance gracieuse d’un homme qui a atteint une place qui lui est propre et dont la dignité lui est familière : quant à l’honnête Blount, il donna ce que son tailleur lui avait laissé d’une demi-année de revenu, laissant tomber quelques pièces dans sa précipitation, puis se baissant pour les ramasser et les distribuant aux divers réclamants avec l’air important et chagrin d’un bedeau répartissant une aumône entre les pauvres de la paroisse.

Les gratifications furent reçues avec les Vivat et les applaudissements ordinaires en de telles occasions. Mais comme ceux qui les recevaient étaient principalement de la dépendance de lord Leicester, ce fut le nom de Varney qu’on répéta avec les plus bruyantes acclamations. Lambourne surtout se distingua par ses vociférations : « Longue vie à sir Richard Varney ! santé et honneur à sir