Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/451

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un moment avant de recommencer à poursuivre sa querelle.

« relève-toi, et lâche-moi, dit Leicester, ou, de par le ciel, je te perce de mon épée ! Pourquoi viens-tu ici porter obstacle à ma vengeance ?

— Oh ! j’ai de puissants motifs, s’écria l’intrépide enfant, puisque ma folie a été cause de ces sanglantes querelles entre vous, et peut-être de plus grands maux ! Si vous voulez jouir encore du repos d’une âme innocente, si vous espérez dormir en paix à l’abri de tout remords, prenez seulement le temps de lire cette lettre, et faites ensuite ce que vous voudrez. »

Tout en parlant de cette manière avec une vivacité et une force à laquelle ses traits bizarres et le son étrange de sa voix donnaient quelque chose de surnaturel, il présentait à Leicester un petit paquet entouré d’une longue mèche de cheveux de femme d’un beau châtain foncé. Quoique plein de rage de s’être vu si étrangement frustré de la vengeance qu’il s’était promise, le comte ne put résister à ce suppliant extraordinaire. Il lui arracha la lettre, changea de couleur en lisant l’adresse, délia d’une main tremblante le lien qui l’assujettissait, jeta un coup d’œil sur le contenu, et, chancelant, il serait tombé sans l’appui d’un tronc d’arbre contre lequel il s’appuya. Il resta un moment dans cette position, les yeux fixés sur la lettre, la pointe de son épée tournée vers la terre, sans paraître s’apercevoir de la présence d’un adversaire auquel il avait montré peu de pitié, et qui pouvait à son tour profiter de son avantage. Mais Tressilian avait l’âme trop noble pour commettre une telle lâcheté, et il restait également immobile de surprise, attendant l’issue de cet étrange accès de fureur, mais tenant son arme de manière à être promptement en état de défense contre quelque attaque nouvelle et soudaine de Leicester, qu’il regardait encore comme atteint d’une véritable frénésie. Il avait, à la vérité, immédiatement reconnu dans le jeune garçon son ancienne connaissance Dickon, dont il n’était pas facile d’oublier les traits quand on l’avait vu une fois ; mais de quelle manière était-il venu là dans un moment si critique ? pourquoi mettait-il tant d’énergie dans son intervention ? et surtout, comment avait-elle pu produire un effet si puissant sur Leicester ? C’étaient là autant de questions qu’il ne pouvait résoudre.

Mais la lettre était bien capable en elle-même de produire des effets encore plus étonnants. C’était celle que l’infortunée Amy avait adressée à son mari, et dans laquelle elle lui alléguait les raisons qui l’avaient obligée à quitter Cumnor-Place, de quelle manière