Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/65

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— Vous ne voulez pas dire, monsieur Varney, reprit Foster, que notre bon seigneur et maître, que je regarde comme rempli des plus nobles sentiments, emploie pour s’élever des moyens aussi bas et aussi criminels que ceux que vous indiquez.

— Bon ! épargne-toi la peine de me regarder d’un air si sévère… tu ne m’attraperas pas… Je ne suis pas à ta discrétion comme la faible cervelle te le fait croire, parce que je te fais connaître franchement les machines, les ressorts, les vis, les chevilles que les grands mettent en œuvre dans les temps d’intrigue. Tu dis que notre bon maître est rempli des plus nobles sentiments ; je le veux bien. Mais alors il n’a que plus besoin d’avoir autour de lui des gens qui le servent sans scrupule, et qui, sachant que sa chute les écraserait, risquent sang et cervelle, corps et âme, pour le maintenir dans son élévation ; et cela je te le dis, parce que je me moque qu’on le sache…

— Vous dites vrai, monsieur Varney : celui qui est à la tête d’un parti, est comme une barque sur la mer, qui ne s’élève pas par elle-même, mais qui est portée en l’air par les vagues sur lesquelles elle flotte.

— Tu es singulièrement métaphorique, honnête Foster ; ce pourpoint de velours a fait de toi un oracle. Nous te ferons prendre tes degrés à Oxford. Mais, à propos, as-tu rangé les objets qu’on t’a envoyés de Londres, disposé les appartements de l’ouest de manière à satisfaire le goût de milord ?

— Ces appartements pourraient servir à un roi, le jour de ses noces ; et je vous assure que notre princesse s’y promène aussi fière, aussi brillante que si elle était la reine de Saba.

— Tant mieux, mon bon Antony ; notre avenir repose sur son bon plaisir.

— Alors nous bâtissons sur le sable, dit Foster ; car en supposant qu’elle arrive à partager à la cour, et le rang et les honneurs de milord, de quel œil me verra-t-elle, moi qui suis en quelque sorte son geôlier et qui la retiens ici contre sa volonté, la gardant comme une chenille sur un vieux mur, tandis qu’elle voudrait briller comme un papillon aux riches couleurs dans le jardin d’une cour. ?

— Ne crains pas son mécontentement ; je lui ferai comprendre que tout ce que tu as fait dans cette affaire a été pour rendre service à milord et en même temps à elle ; et quand elle brisera sa coquille et volera de ses propres ailes, elle avouera sans peine que nous avons fait éclore l’œuf.

— Prenez garde, monsieur Varney, vous pouvez vous abuser