Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/123

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quelque effet sur Mordaunt. Il ne supposait pas sans doute que l’acte charitable de sauver un homme qui se noyait le soumît, comme conséquence nécessaire et inévitable, à la position désagréable où il se trouvait ; il lui semblait néanmoins qu’un sort était jeté sur lui sans qu’il pût en comprendre la nature et la puissance… bref, qu’un pouvoir surnaturel agissait sur sa destinée et n’y exerçait pas une influence favorable. Sa curiosité, aussi bien que son inquiétude, croissaient de jour en jour ; mais il restait déterminé, à tout événement, à paraître en personne à la fête prochaine, où il était assuré, par un pressentiment, que des choses extraordinaires auraient lieu, qui fixeraient ses vues pour l’avenir et son plan de conduite.

Comme M. Mertoun père se portait alors assez bien, il fallut que son fils le prévînt de la visite qu’il se proposait de faire à Burgh-Westra. Il le fit ; mais son père lui demanda pour quelle raison il avait choisi un tel jour plutôt qu’un autre.

« C’est un jour de réjouissances, répondit le jeune homme ; tout le pays se rassemble. — Et vous êtes jaloux sans doute d’ajouter un fou à la masse… Allez… mais veillez à la manière dont vous marcherez sur le chemin que vous allez parcourir… Une chute des hauteurs de Foulah ne serait point plus dangereuse. — Puis-je vous demander le motif de ce conseil, mon père ? » répliqua Mordaunt, laissant de côté la réserve qui existait entre lui et son singulier père.

« Magnus Troil, répondit M. Merlcun, a deux filles… vous êtes d’un âge où l’on regarde ces belles poupées avec des yeux affectueux, pour apprendre ensuite à maudire le jour où, pour la première fois, on entrevit la lumière du ciel. Méfiez-vous-en, je vous en prie ; car aussi sûrement que la mort et le péché entrèrent dans le monde avec la femme, aussi sûrement leurs douces paroles et leurs plus doux regards amènent la destruction et la ruine de ceux qui s’y fient. »

Mordaunt avait parfois remarqué la haine déclarée de son père pour les femmes ; mais il ne l’avait jamais entendu la déclarer en termes si clairs et si précis. Il répliqua que les filles de Magnus Troil ne lui étaient pas plus chères que les autres femmes des îles ; « et même, ajouta-t-il, elles l’intéressaient beaucoup moins, car elles avaient rompu leur ancienne amitié avec lui sans donner de motifs. — Et vous allez chercher à la renouer, répondit le père, insensé papillon qui, échappé une fois à la flamme sans y perdre ses ailes, ne se contente pas de l’obscurité protectrice de ces lieux sau-