Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/124

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vages, mais cherche à revenir au plus tôt vers la torche qui doit un jour le consumer ! Pourquoi perdrais-je mes arguments à te détourner d’un destin inévitable ?… Va où ton sort t’appelle. »

Le jour suivant, veille de la grande fête, Mordaunt se mit en route pour Burgh-Westra, pesant tour à tour les injonctions de Norna, les paroles sinistres de son père, les augures défavorables de Swertha et du Rauzellaer de Jarlshof ; l’esprit chagrin et troublé par tant de pensées diverses.

« Tout m’annonce une froide réception à Burgh-Westra, se disait-il ; mais mon séjour n’en sera que plus court. Je veux absolument m’assurer si elles ont été trompées par le marin étranger, ou si elles ont agi par caprice de caractère, et pour changer de compagnie. Dans le premier cas, je soutiendrai ma réputation et j’avertirai le capitaine de prendre garde à lui ; dans le second, eh bien ! bonsoir à Burgh-Westra et à tous ses habitants. »

Tandis qu’il méditait intérieurement sur cette dernière alternative, l’orgueil blessé et un retour de tendresse pour ses jeunes amies, auxquelles il croyait avoir dit adieu pour toujours, amenèrent une larme dans ses yeux mais il l’essuya sur-le-champ et avec indignation ; et doublant le pas, il continua son voyage.

Le temps était alors pur et serein, et Mordaunt marchait avec une aisance qui formait un contraste frappant avec les difficultés qu’il avait rencontrées la dernière fois qu’il avait parcouru la même route ; mais il y avait dans son esprit un moins agréable sujet de comparaison.

« Alors, se dit-il à lui-même, le vent me permettait à peine de respirer, mais mon cœur était calme et heureux. Je voudrais avoir encore cette douce indifférence, dût-elle m’être apportée par le déchaînement de la plus furieuse tempête qui battît jamais les montagnes solitaires. »

Poursuivi par ces pensées, il arriva vers midi à Harfra, habitation, comme le lecteur peut se le rappeler, de l’ingénieux M. Yellowley. Notre voyageur avait pris soin, dans la présente occasion, de n’être pas obligé de recourir à la sordide hospitalité de cette maison, qui était devenue notoire dans toute l’île, en prenant avec lui, dans son petit havre-sac, des provisions qui eussent suffi pour un plus long voyage. Par politesse cependant, ou plutôt peut-être pour donner le change à ses pénibles réflexions, Mordaunt ne manqua point de frapper à la porte ; il trouva la maison dans une singulière agitation. Triptolème lui-même, les jambes enfoncées