Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/129

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Il n’était aucune partie de la région sauvage et montagneuse, à travers laquelle le conduisait Mordaunt, qui ne suggérât à son imagination quelque projet de perfectionnement et d’innovation. Il devait pratiquer une route à travers le marécage inaccessible à tout autre animal qu’aux poneys aux pieds sûrs. Il devait substituer de bonnes maisons aux appentis ou hangars construits en pierres sèches sous lesquels les habitants préparaient et accommodaient leur poisson. Il devait brasser de bonne ale en place de bland ; il devait planter des forêts où jamais arbre n’avait poussé, et trouver des mines abondantes dans un pays où un skilling danois était presque un objet de vénération. Tous ces changements, et bien d’autres, étaient accomplis dans la tête du digne facteur, et il parlait avec la plus ferme confiance de l’appui et du secours qu’il recevrait des grands propriétaires, et surtout de Magnus Troil.

« Je communiquerai quelques unes de mes idées au brave homme, disait-il, avant que nous soyons plus vieux de beaucoup d’heures, et vous verrez quelle reconnaissance il témoignera à l’homme qui peut lui procurer un savoir bien préférable à la richesse. — Je ne voudrais pas que vous comptassiez trop sur ce fonds-là, » répondit Mordaunt par manière d’avertissement ; « la barque de Magnus Troil est rude à conduire… il aime ses habitudes qui sont les habitudes du pays, et vous apprendriez plus vite à votre bidet à manger comme un veau marin, que vous n’amèneriez Magnus à prendre une méthode écossaise en place d’un usage norse… Et pourtant, s’il tient à ses vieilles coutumes, il est aussi changeant qu’un autre pour ses vieilles amitiés. — Heus tu, inepte ! s’écria l’élève de Saint-André ; qu’il y tienne ou n’y tienne pas, qu’importe ?… ne suis-je pas ici dans ma charge, dans mes droits ? Est-ce un fowd (titre barbare que Magnus Troil prend encore) qui oserait mesurer son jugement et ses raisons contre moi qui représente toute la dignité du chambellan des îles Orcades et Shetland ? — Malgré cela, je vous conseillerais de ne pas attaquer trop vivement ses préjugés. Magnus Troil, depuis l’heure de sa naissance jusqu’à ce jour, n’a jamais vu un plus grand homme que lui-même, et il est difficile de brider un vieux cheval pour la première fois. D’ailleurs, il ne lui arriva jamais de sa vie d’écouter patiemment de longues explications ; il est donc possible qu’il se fâche contre vos perfectionnements projetés avant que vous puissiez lui en démontrer les avantages. — Que voulez-vous dire, jeune homme ? est-il un seul habitant dans ces îles qui s’aveugle assez