Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/128

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résultait pas tant de dégâts dans les ajustements que l’on porte à cheval. »

Cependant le frère sauta bravement sur sa monture ; et comme il avait jugé convenable, malgré la sérénité du temps, de jeter un long manteau rouge par dessus ses autres vêtements, son poney était encore plus complètement enveloppé dans cette draperie que celui de sa sœur. Il se trouva que l’animal était d’une humeur capricieuse et maligne, sautant et caracolant de temps à autre sous le poids de Triptolème, avec une vivacité qui, malgré l’adresse ordinaire du paysan du comté d’York, le dérangeait beaucoup sur sa selle ; et comme le palefroi n’était pas visible, sinon pour un observateur attentif, ces cabrioles faisaient, à quelque distance, l’effet d’être les mouvements volontaires du cavalier en manteau, sans le secours d’aucune autre jambe que celles dont la nature l’avait pourvu ; et pour quiconque aurait vu Triptolème, en s’imaginant une pareille chose, la gravité et même la frayeur peintes sur sa physionomie, eût formé un contraste risible avec les vives gambades qu’il se permettait pendant la route.

Mordaunt, réuni à ce digne couple, monta, selon l’usage rustique du pays, sur le premier bidet qu’on put amener, sans autre harnachement que la bride qui servait à le conduire. M. Yellowley, voyant avec plaisir son guide pourvu d’un cheval, résolut à part lui que cette grossière coutume de prendre pour voyager les chevaux d’autrui sans en demander permission au propriétaire, ne serait pas abolie dans les îles Shetland, à moins qu’il ne possédât en propre un troupeau de bidets nécessairement exposés à souffrir par voie de représailles.

Mais, pour les autres us ou abus du pays, Triptolème Yellowley se montrait moins tolérant. Il tint à Mordaunt de longs et ennuyeux discours, ou pour parler plus correctement, il lui infligea des harangues sur les innovations que son arrivée dans ces îles devait occasionner. Bien que très peu versé dans l’art moderne d’améliorer un domaine au point de le faire glisser entre les doigts du possesseur, Triptolème réunissait au moins dans sa personne le zèle, sinon les connaissances de tout une société d’agriculture. Jamais il ne fut su passé par aucun de ses successeurs dans ce noble esprit qui dédaigne de mettre en balance les profits contre les pertes, mais qui tient uniquement à la gloire d’opérer un grand changement sur la face de la terre ; gloire qui, comme la vertu, doit être sa propre récompense.