Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/135

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rompre pour un instant l’honnête et cordiale effusion de gaîté avec laquelle il avait accueilli tous les autres visiteurs. Il s’avança vers Triptolème Yellowley, en se redressant un peu comme pour joindre l’importance du riche udaller à la cordialité d’un maître de maison, franc et hospitalier.

« Vous êtes le bienvenu, monsieur Yellowley, » dit-il en s’adressant au facteur ; « vous êtes le bienvenu à Burgh-Westra… Le vent vous a jeté sur une mauvaise côte, et nous, naturels du pays, nous devons vous traiter de notre mieux. Voici votre sœur, je pense ? Mistress Barbara Yellowley, aurai-je l’honneur de vous saluer en voisin ? » À ces mots, avec une politesse hardie et dévouée, qui n’aurait pas son égale dans nos temps dégénérés, il osa réellement donner l’accolade aux joues fanées de la dame écossaise, tandis qu’elle adoucissait la sévérité habituelle de sa physionomie pour recevoir cette courtoisie avec quelque chose qui ressemblât à un sourire. Il regarda alors Mordaunt Mertoun, et lui dit, sans lui offrir la main, d’un ton un peu brusqué par le trouble qu’il voulait déguiser : « Vous êtes aussi le bienvenu, monsieur Mordaunt. — Je ne le pense pas, » répondit Mordaunt, naturellement offensé de la froideur des manières de son hôte. « Je ne suis pas encore entré… et il n’est pas encore trop tard pour que je retourne sur mes pas. — Jeune homme, répliqua Magnus, vous savez mieux que personne qu’on ne peut s’éloigner de cette porte sans offenser le maître de la maison. Je vous en prie, ne troublez pas mes hôtes par des scrupules intempestifs. Lorsque Magnus Troil dit qu’on est bienvenu, les bienvenus sont tous ceux qui sont à portée d’entendre sa voix, et sa voix est passablement haute… Entrez, mes dignes hôtes, et voyons quelle bonne chère mes filles peuvent vous faire servir. »

En parlant ainsi et se gardant bien de prononcer un seul mot d’accueil que Mordaunt pût s’appliquer particulièrement, l’udaller introduisit ses hôtes dans la maison où deux grandes salles, servant au même usage qu’un salon moderne en cette occasion, étaient déjà encombrées de convives de toute espèce.

L’ameublement était assez simple, et avait un caractère propre à la position de ces îles fécondes en tempêtes. Magnus Troil était sans doute, comme presque tous les grands propriétaires des îles Shetland, l’ami du voyageur dans la détresse, ruiné par la terre ou par la mer, et il avait sans cesse employé toute son autorité à protéger les biens et la personne des marins naufragés ; mais les naufrages étaient si fréquents sur ces terribles côtes, et les dépouilles