- Adieu, pittoresques Talions,
- Beau ciel, verdoyante étendue,
- Orages aux noirs tourbillons ;
- Adieu, brise fraîche et légère
- Qui parcours nos bosquets touffus ;
- Adieu, Mary, toujours plus chère :
- Hélas ! je ne vous verrai plus.
- Du fleuve, adieu, rude passage,
- Que ma rame savait franchir,
- Quand de Skerry le mont sauvage
- Dans les flots paraissait blanchir.
- Une vierge peut sur cette onde
- Jeter des regards superflus,
- D’un amant que rien ne seconde
- Le bateau n’y reviendra plus.
- Jette-les à cette onde amère
- Les vœux que ton cœur a brisés ;
- Sur le roc ou la fondrière
- Aux autans qu’ils soient exposés.
- Aux chants trompeurs de la Sirène
- Qu’ils donnent un charme de plus.
- Je les reconnaîtrai sans peine ;
- Mais du moins je n’y croirai plus.
- Où trouver une île sauvage
- Asile d’un bonheur constant,
- Où jamais la beauté volage
- Ne trompe le crédule amant !
- Non, ce serait trop de clémence
- Pour d’autres que pour les élus :
- Alors l’ancre de l’espérance
- Aux cieux ne se fixerait plus.
« Je vois que vous êtes attendri, mon jeune ami, » dit Halcro quand il eut fini sa chanson ; « c’est comme tous ceux qui entendent cette pièce. Les paroles et la musique sont de moi ; et, sans trop parler de l’esprit qu’on y trouve, il y a une espèce de… eh ! eh !… de vérité, de simplicité, qui va toujours droit au cœur. Votre père lui-même ne peut y résister, et pourtant il a un cœur tellement impénétrable à la poésie et à la musique, qu’Apollon lui-même y briserait ses flèches. Il faut qu’il ait éprouvé quelque noire trahison de la part d’une maîtresse, pour garder une telle dent contre toutes les femmes. Oui, oui, voilà le mot de l’énigme : qui de nous n’a senti la même douleur dans son temps ! Mais venez, mon cher enfant ; on se dirige vers les salles à manger, hommes et femmes, tous ensemble ; car, si méchantes qu’elles soient, rien n’irait sans elles.