Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/145

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peur qu’il ne faille en remettre la fin à l’après-dîner, M. Halcro, » dit Mordaunt, qui songeait aussi à s’esquiver, bien que désireux de le faire avec plus d’égards que n’en avait mis le capitaine Cleveland.

« Allons, mon cher enfant, » répliqua Halcro en se voyant près de rester seul, « ne m’abandonnez pas aussi ; ne suivez pas un si mauvais exemple, faites plus grand cas d’un vieil ami. J’ai eu plus d’une rude traverse dans mon temps ; mais elles m’ont toujours semblé moins pénibles lorsque j’ai pu m’appuyer sur le bras d’une vieille connaissance comme vous. »

En parlant ainsi, il lâcha l’habit du jeune homme, et glissant sa main sous son bras, il le retint d’une manière plus convenable. Mordaunt se soumit, un peu ému par l’observation du poète sur l’abandon des vieux amis, peine qu’il avait lui-même à souffrir en ce moment. Mais quand Halcro répéta la formidable question : « Où en étais-je ? » Mordaunt, préférant la poésie à la prose, lui rappela la chanson qu’il disait avoir composée sur son premier départ des îles Shetland ; chanson qu’à vrai dire le jeune homme connaissait déjà, mais que nous insérerons ici, attendu qu’elle est nouvelle pour le lecteur, comme spécimen du talent poétique d’Halcro la bouche d’or. Dans l’opinion de bien des juges compétents, il tenait un rang respectable parmi les auteurs de madrigaux de l’époque, et avait autant de titres à donner l’immortalité aux Nancy des collines et des vallées que bien des chansonniers de la grande ville de Londres. Il était aussi quelque peu musicien, et, dans la présente occasion, lâchant sa victime pour prendre son luth, il accorda l’instrument pour s’accompagner, en parlant toujours pour ne pas perdre de temps.

« J’ai appris le luth du même maître que l’honnête Shadwell, ce gros Tom, comme on avait coutume de l’appeler, un peu rudement traité par John de glorieuse mémoire ; vous savez, Mordaunt, vous savez.


Le nouvel Arion prend la harpe barbare,
D’où ses ongles crochus tirent un chant bizarre.


Allons, me voilà passablement d’accord ; que faut-il chanter ? Eh ! je me rappelle… oui, la jeune fille de Northmaven. Pauvre Bet Stimbister ! Je l’ai nommée Mary dans mes vers. Betsy va bien dans une chanson anglaise, mais Mary est plus naturel ici. » Après avoir ainsi jasé, il préluda, puis chanta d’une voix tolérable et avec assez de goût les strophes suivantes :

mary.
Adieu, pays à ma vue ;