Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/158

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« je n’en connais pas, attendu qu’il y a au sud la montagne appelée Braebaster, et une haute colline au nord, dont je ne puis jamais retrouver le nom. — Ne nous parlez ni de montagnes ni de collines, monsieur Yellowley ; il y a un troisième moyen de dessécher le lac, et c’est le seul qu’on tentera de mon vivant. Vous dites que milord chambellan et moi nous sommes propriétaires en commun : soit ; en bien, que chacun de nous jette, en quantités égales, eau-de-vie, jus de citron, et sucre dans le lac, une ou deux cargaisons de vaisseau feront l’affaire. Assemblons ensuite tous les joyeux udallers du pays, et en vingt-quatre heures vous verrez un terrain sec remplacer le lac de Braebaster. »

Un rire bruyant d’approbation, qui réduisit pour un instant Triptolème au silence, suivit une plaisanterie qui allait si bien au lieu et à la circonstance. Un joyeux toast fut porté ; on chanta une chanson gaillarde. Le vaisseau se déchargea de ses douceurs ; la pinasse fit le tour de la table. L’entretien entre Magnus et Triptolème, qui avait attiré l’attention de toute la compagnie par sa véhémence extraordinaire, tomba soudain ou se perdit dans le brouhaha général qui retentissait au long des tables, et le poète Halcro reprit possession de l’empire usurpé sur l’oreille de Mordaunt.

« Où en étais-je ? » demanda-t-il d’un ton qui indiquait à son malheureux auditeur, plus clairement que ne l’eussent fait des paroles, combien il restait encore à conter de cette histoire décousue ; « ah ! je m’en souviens ; nous étions précisément à la porte du café des Beaux-Esprits. Il avait été établi par un… — Mais, mon cher monsieur Halcro, » dit son auditeur avec un peu d’impatience, « voyons donc les détails de votre rencontre avec Dryden. — Avec le glorieux John, n’est-ce pas ?… Oui, oui… Où en étais-je ? au café des Beaux-Esprits… bien. Nous arrivions à la porte. Le garçon et autres gens me regardaient tous ; car, pour Thimblethwaite, l’honnête homme, sa figure était bien connue. Je puis vous raconter une histoire à ce sujet, et… — Parlez-moi de John Dryden, » interrompit Mordaunt, d’un ton qui annonçait combien lui plaisait peu une nouvelle digression.

« Oui, oui, John de glorieuse mémoire… où en étais-je ? Eh bien, comme nous nous tenions près du comptoir, où un garçon s’occupait à broyer du café et un autre à mettre du tabac en paquets d’un sou. (Une pipe toute prête coûte juste un sou.) Eh bien ! ce fut alors, et là, que je l’aperçus pour la première fois ; un certain Dennis était assis à son côté, et ce… — Et John Dryden…