Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/162

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« Je n’en veux pas entendre davantage, monsieur le facteur, s’écria-t-il. — Au moins, permettez-moi de vous parler de votre race de chevaux, reprit Yellowley, comme un homme qui demande grâce ; vos chevaux, mon cher monsieur, ressemblent à des chats pour la taille, et à des tigres pour la méchanceté. — Quant à leur taille, dit Magnus, ils sont d’autant plus aisés à monter et à descendre (comme Triptolème l’a éprouvé ce matin, pensa Mordaunt), et quant à leur méchanceté, ne doit les monter que qui sait les conduire. »

Un éclair de conviction intérieure qui brilla dans l’esprit d’Yellowley l’empêcha de répondre. Il lança un regard suppliant à Mordaunt, comme pour implorer le secret sur sa chute ; et l’udaller qui vit son avantage, quoiqu’il en ignorât le motif, continua du ton haut et ferme d’un homme qui n’a jamais de sa vie rencontré d’opposition, et qui est incapable d’en souffrir aucune :

« Par le sang de saint Magnus le martyr, dit-il, vous êtes un bon farceur, monsieur le facteur Yellowley ! vous nous arrivez d’un pays étranger, ne comprenant ni nos lois, ni nos manières, ni notre langage, et vous voulez devenir gouverneur de cette contrée, pour que nous soyons tous vos esclaves ! — Mes élèves, mon cher monsieur, mes élèves ; répliqua Yellowley ; et encore, c’est pour votre bien. — Nous sommes trop vieux pour aller à l’école, dit le Shetlandais, je vous le répète encore une fois, nous voulons semer et recueillir notre grain comme faisaient nos pères… Nous voulons manger ce que Dieu nous envoie, et tenir nos portes ouvertes à l’étranger, comme ils tenaient les leurs ouvertes. Si nos coutumes pèchent par quelque endroit, nous les réformerons en temps et lieu ; mais la fête du bienheureux Jean-Baptiste est faite pour les cœurs joyeux et les pieds agiles. Le premier qui lâchera encore un mot de raison, comme vous dîtes, ou de quoi que ce soit qui y ressemble, avalera une pinte d’eau de mer… Par ma foi, il l’avalera… Remplissez une seconde fois le bon vaisseau, le Joyeux Marinier, pour égayer ceux qui ne veulent pas lui dire adieu, et nous autres, allons trouver les violons qui viennent de nous avertir. Je parierais que chaque fillette grille déjà de plaisir. Voyons, monsieur Yellowley, sans rancune ; mais l’ami… ma foi, l’ami ! vous sentez encore le roulis du Joyeux Marinier. (Car, à vrai dire, l’honnête Triptolème n’avait pas l’air trop solide sur ses jambes quand il se leva pour accompagner son hôte.) Mais n’y pensez plus, on vous fera bien retrouver les jambes de votre pays pour danser avec les