Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/164

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aux danseurs, qui, non moins légers et non moins aimables que s’ils eussent occupé le plus splendide salon de la paroisse de Saint-James, exécutaient leurs danses nationales avec autant de grâce que d’activité.

Le groupe de vieillards qui regardaient ne ressemblait pas trop mal à une bande de vieux tritons, occupés à contempler les jeux des nymphes de la mer. Une lutte constante contre les éléments avait endurci leurs physionomies ; ils portaient une barbe longue et des cheveux touffus, arrangés à l’ancienne mode norwégienne, ce qui pouvait leur donner quelque ressemblance avec les fabuleux habitants de la mer. Les jeunes gens étaient tous d’une beauté surprenante, grands, bien faits, bien membrés ; les hommes avaient, outre leurs beaux et longs cheveux, et tant que le climat le permettait, un teint frais et animé qui, chez les femmes, était d’un coloris plus doux et plus délicat. La bonne organisation qu’ils avaient reçue de la nature pour la musique, les mettait à même de seconder les efforts d’une bande de musiciens dont les accords n’étaient nullement à dédaigner ; tandis que les plus vieux, debout à l’entour ou assis sur les vieilles caisses qui servaient de chaises, critiquaient les danseurs, dont ils comparaient le talent à celui qu’ils avaient jadis déployé ; ou bien, échauffés par le vin qui circulait toujours au milieu d’eux, faisaient claquer leurs doigts, ou battaient la mesure avec leurs pieds.

Mordaunt contemplait cette scène de joie universelle, en se souvenant péniblement que, descendu de sa longue prééminence, il n’exerçait plus les importantes fonctions de chef des danseurs, ou de directeur des plaisirs ; fonctions maintenant assignées au capitaine Cleveland. Jaloux, cependant, de déguiser les sentiments de dépit qui gonflaient son cœur, et sentant qu’il n’était ni sage de les concevoir, ni courageux de les laisser paraître, il s’approcha des jolies personnes auprès desquelles il s’était montré si galant à table, avec l’intention d’inviter l’une d’elles à l’accepter pour cavalier dans la première contredanse. Mais alors la vieille lady Glowrowrum, lady terriblement vieille, qui n’avait toléré la gaîté folle de ses nièces pendant le banquet que parce qu’il lui était impossible de leur imposer silence de sa place, n’était pas disposée à permettre qu’on renouât l’intimité qu’annonçait l’invitation de Mertoun ; elle prit donc sur elle, au nom de ses deux nièces qui étaient assises derrière elle, toutes tristes de ne pouvoir dire un mot, d’annoncer à Mordaunt, après l’avoir remercié de sa courtoisie, que ses pupilles étaient retenues pour la soirée. Tandis qu’il cherchait