Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/165

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une danseuse à peu de distance, il eut occasion de se convaincre que l’engagement allégué n’était qu’une pure excuse pour se débarrasser de lui, car il vit les deux sœurs rieuses se réunir à la danse, sous les auspices des deux premiers jeunes gens qui demandèrent leurs mains. Irrité d’un mépris si évident et ne voulant pas s’exposer à un second refus, Mordaunt Mertoun se retira du cercle de la danse, s’enfonça dans les rangs d’une multitude de gens inférieurs qui se pressaient comme spectateurs jusqu’au milieu de la salle, et là, sans pouvoir être aperçu de personne, il digéra sa mortification aussi bien qu’il put, c’est-à-dire fort mal, et avec toute la philosophie de son âge, c’est-à-dire sans aucune philosophie.




CHAPITRE XV.

la danse des épées.


Une torche pour moi… Vous, jeunesse folâtre au cœur léger, foulez d’un pied rapide les prairies inutiles… Moi, suivant l’expression proverbiale de nos prêtres, je tiendrai la chandelle et je regarderai.
Shakspeare. Roméo et Juliette.


Le jeune homme, dit le moraliste Johnson, ne songe plus au cheval de bois de l’enfant, ni l’homme fait à la maîtresse du jeune homme. Aussi le désespoir de Mordaunt Mertoun, quand il se trouva exclu de la danse joyeuse, peut-il sembler ridicule à beaucoup de mes lecteurs qui penseraient néanmoins n’avoir rien de mieux à faire que d’être tristes, s’ils perdaient le rang qu’ils occupent d’ordinaire dans une assemblée d’une espèce différente. Ce n’était point qu’il manquât d’amusements pour ceux qui n’aimaient pas la danse, ou qui n’étaient pas assez heureux pour trouver une danseuse de leur goût. Halcro, qui plongeait alors tout entier dans son élément, avait rassemblé autour de lui un auditoire auquel il déclamait ses poésies avec tout l’enthousiasme du glorieux John lui-même, et recevait en retour les applaudissements qu’il est d’usage d’accorder aux ménestrels qui récitent leurs propres vers… tant du moins que l’auteur reste à portée d’entendre les critiques. À vrai dire, la poésie d’Halcro pouvait intéresser l’antiquaire aussi bien que l’admirateur des muses, car plusieurs de ses pièces étaient traduites ou imitées des chants scaldiques que chantaient encore les pêcheurs de ces îles, même à une époque peu éloignée. Lorsque les poèmes de