Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/176

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mante était lâche et assez large pour cacher complètement ses formes, et sa figure était couverte d’un masque de soie ; il remarqua qu’elle s’éloignait peu à peu du reste de sa troupe, et enfin, se plaçant, comme pour mieux prendre l’air, près de la porte d’une chambre qui restait ouverte, elle le regarda encore d’un air tout particulier ; puis, profitant d’un instant où l’attention de la compagnie était fixée sur les autres masques, elle sortit de l’appartement.

Mordaunt n’hésita pas à suivre aussitôt son guide mystérieux, car nous pouvons donner ce nom à la néréide ; elle s’arrêta un moment pour lui montrer la direction du chemin qu’elle allait prendre, et puis s’avança d’un pas rapide vers la rive d’un lac d’eau salée qui s’étendait devant eux. De petites vagues brillantes se balançaient à la surface du lac, sous un ciel éclairé par un crépuscule d’été et un beau clair de lune ; on ne pouvait par cette nuit lumineuse regretter l’absence du soleil ; d’ailleurs on voyait encore à l’ouest sur les ondes les traces de son coucher, tandis que l’horizon, à l’est, commençait à rougir des feux de l’aurore.

Mordaunt n’eut donc aucune peine à tenir en vue son guide déguisé, tandis qu’il traversait les collines et les vallées, en se dirigeant vers le rivage de la mer ; puis, après mille détours dans les rochers, la sirène prit un chemin qui conduisait à un lieu où Mordaunt lui-même, à force de travail et pendant l’époque de son intimité à Burgh-Westra, était parvenu à construire un berceau, abri solitaire où les filles de Magnus Troil avaient l’habitude, quand le temps le permettait, de passer une partie de leurs journées. La sirène s’arrêta, et, après un peu d’hésitation, elle s’assit sur le banc rustique : c’était là le lieu des explications ; mais des lèvres de qui allait-il les recevoir ? Norna s’était d’abord présentée à l’imagination de Mordaunt ; mais une haute taille, un pas lent et majestueux, différaient entièrement de la grandeur et de la démarche de cette sirène à forme de fée qui l’avait précédé d’un pas léger, semblable à une néréide, qui, restée trop tard sur le rivage, et menacée du déplaisir d’Amphitrite, se hâtait de regagner son élément natal. Puisque ce n’était point Norna, ce pouvait seulement être Brenda qui lui eût donné un pareil signal ; et lorsqu’elle se fut assise sur le banc, elle ôta le masque qui cachait son visage, et c’était en effet Brenda. Mordaunt n’avait certainement rien fait pour redouter sa présence, et pourtant, telle est l’influence de la timidité sur les jeunes gens honnêtes des deux