Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/187

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La position dans laquelle le mauvais destin de l’ennemi l’avait placé était des plus favorables à l’entreprise des insulaires. Une marée d’une hauteur surprenante avait poussé la baleine sur un large banc de sable, dans le Woe, ou lac, au milieu duquel on allait l’attaquer. Dès qu’il sentit l’onde se retirer, il comprit son péril, et déjà il avait tenté plus d’un effort désespéré pour sortir des eaux basses et repasser par dessus la barre ; mais jusque-là il avait plutôt empiré qu’amélioré sa condition en s’enfonçant dans le sable et restant ainsi exposé à l’attaque méditée. En ce moment, les Shetlandais s’élancèrent contre lui : les premiers rangs étaient occupés par les hommes les plus jeunes et les plus hardis, armés des diverses manières que nous avons décrites ; tandis que, pour voir et pour encourager leurs efforts, les jeunes filles et les personnes plus âgées des deux sexes se placèrent sur les rochers qui dominaient le théâtre de l’action.

Comme les barques avaient à doubler un petit cap avant d’arriver à l’embouchure du Woe, ceux qui étaient venus par le rivage eurent le temps de faire la reconnaissance nécessaire des forces et de la situation de l’ennemi contre lequel ils allaient commencer simultanément l’attaque par mer et par terre.

Le général, vaillant et expérimenté, car l’udaller méritait ces épithètes, ne voulut, dans un cas si important, se fier qu’à ses propres yeux, et à vrai dire son costume et sa rare adresse le rendaient également digne du commandement à lui dévolu. Son chapeau galonné d’or avait été remplacé par un bonnet de peau d’ours ; son habit de drap bleu avec doublure d’écarlate, couvert de ganses et de broderies, par une jaquette de flanelle rouge avec boulons de corne noire, sur laquelle il portait une espèce de chemise en veau marin artistement cousue et brodée par devant, du genre de celles que mettent les Esquimaux et quelquefois les Groënlandais pour aller à la pêche de la baleine. Des bottes de mer d’une formidable hauteur complétaient son équipement ; et il tenait à la main un grand couteau à écorcher, qu’il brandissait comme impatient de s’en servir pour l’opération du dépècement, qui consiste à séparer la chair des os de l’énorme animal. Après un examen plus scrupuleux, pourtant, il fut obligé de confesser que l’amusement auquel il avait conduit ses amis, quoique taillé sur l’échelle de sa magnifique hospitalité, serait probablement accompagné de périls et de difficultés.

L’animal, long de plus de soixante pieds, restait parfaitement