Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/197

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Est-il arrivé quelque bâtiment des Indes ? demanda Magnus Troil. — Vous y touchez presque, fowd ; mais ce n’est pas un vaisseau de la compagnie des Indes, c’est un beau navire armé, surchargé de marchandises dont ils se défont si aisément qu’un honnête homme de ma trempe peut donner à tout le pays l’occasion de faire d’excellents marchés comme on n’en fit jamais. Vous verrez si je mens, lorsque j’ouvrirai ma balle, car j’espère que je ne la remporterai pas tout-à-fait aussi lourde que je l’ai apportée. — Oui, oui, dit l’udaller, il faut que vous ayez fait de bons marchés, si vous ne vendez pas cher ; mais quel vaisseau était-ce ? — Je ne saurais dire au juste ; je n’ai parlé qu’au capitaine, qui est un homme discret ; mais il faut que le bâtiment vienne de la Nouvelle-Espagne, car je suis certain qu’il y a des soies, des satins, du tabac, du vin, et il ne manque pas de sucre ; il a encore de bonnes caisses d’or et d’argent en pièces, outre un bon tas de poudre d’or par dessus le marché. — Quelle tournure a ce navire ? » demanda Cleveland, qui semblait prêter beaucoup d’attention.

« C’est un fort bâtiment, répondit le marchand voyageur, gréé en schooner, courant comme un dauphin, dit-on, portant douze canons et percé pour vingt. — Avez-vous entendu nommer le capitaine ? » demanda Cleveland d’une voix moins haute que de coutume.

« Je me suis contenté de l’appeler capitaine, répondit Bryce Snailsfoot, car je me suis fait une règle de ne jamais questionner ceux avec qui les affaires de mon commerce me mettent en relation ; car, il y a plus d’un capitaine, soit dit sans vous offenser, capitaine Cleveland, qui ne se soucie pas de voir son nom accolé à son titre ; et pourvu que nous sachions quels marchés nous faisons, peu nous importe de savoir avec qui nous faisons marché. — Bryce Snailsfoot est un homme prudent, » dit l’udaller en riant ; « il sait qu’un fou peut faire bon nombre de questions auxquelles un sage ne se soucie pas de répondre. — J’ai fait affaire avec bien des honnêtes marchands en ce monde, répliqua Snailsfoot, et je sais qu’il est inutile de dégoiser le nom d’un homme à chaque instant ; mais je parierais que ce commandant est un galant homme, et même un très honnête homme ; car tout son équipage est presque aussi richement habillé que lui-même. Jusqu’aux mousses qui ont des écharpes de soie ! J’ai vu plusieurs dames en porter de pires et se croire des astres. Quant aux boutons d’argent, aux boucles item, et à toutes ces vanités du même genre, c’est à n’en plus finir. —