Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/205

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incapables de suffire à la gaîté et à l’exercice ; aussi la danse fut-elle beaucoup moins joyeuse à Burgh-Westra que la veille. Il était pourtant une heure après minuit lorsque Magnus Troil, qui voyait avec regret combien le siècle était dégénéré, et souhaitait de pouvoir communiquer aux Hialtlandais modernes un peu de cette vigueur qui animait encore son vieux tronc, se trouva forcé, bien malgré lui, de donner le signal de la retraite générale.

En cet instant même, Halcro, conduisant Mordaunt Mertoun à l’écart, lui dit qu’il lui apportait un message du capitaine Cleveland.

« Un message ! » répliqua Mordaunt, tandis que son cœur battait violemment. « Un cartel, je suppose ? — Un cartel ! répéta Halcro ; entendit-on jamais parler d’un cartel dans nos îles paisibles ? Trouvez-vous que j’aie l’air d’un porteur de cartel ? et à vous encore !… Je ne suis pas de ces fous qui se battent, comme dit le glorieux John ; et ce n’est même pas tout-à-fait un message dont je suis chargé… seulement j’ai à vous dire… je pense que le capitaine Cleveland a fort à cœur de posséder les objets qui vous ont fait envie. — Il ne les aura pas, je vous jure ! répondit Mordaunt Mertoun. — Voyons, écoutez-moi, reprit Halcro ; il semble qu’aux marques et aux armes de ces objets il reconnaisse les avoir autrefois possédés. Or, quand vous me donneriez la boîte comme vous me l’avez promise, je vous avoue franchement que je lui rendrais son bien. »

« Et Brenda pourrait en faire autant, » pensa Mordaunt en lui-même, et il poursuivit aussitôt : « J’ai pris une meilleure résolution, mon ami. Le capitaine Cleveland gardera ces bagatelles dont il fait tant de cas, mais à une seule condition. — Ah ! vous allez tout gâter avec votre condition, dit Halcro ; car, comme le glorieux John le dit, les conditions ne sont que… — Écoutez-moi donc à votre tour… Ma condition est qu’il garde les bijoux en échange du fusil dont il m’a fait cadeau, de façon qu’il n’y ait plus d’obligation entre nous ni d’un côté ni de l’autre. — Je vois où vous voudriez venir… C’est tout comme Sébastien et Dorax[1]. Eh bien ! vous pourrez dire au colporteur de remettre ces objets à Cleveland… je le crois fou pour y tenir tant… et moi j’apprendrai au capitaine la condition nécessaire, autrement l’honnête Bryce pourrait en recevoir deux fois la valeur ; et je pense que sa conscience n’en souffrirait pas. »

  1. Personnages d’une tragédie de Dryden, intitulée Don Sébastien.