Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus long-temps que sa flamme. Asseyez-vous donc, je vais me placer en face de vous, et mettre la lampe entre nous : car le démon n’ose pas entrer dans le cercle qu’elle éclaire. »

Les sœurs obéirent, Minna jetant un regard lent, inquiet, mais pourtant résolu autour d’elle, comme pour apercevoir l’être qui, suivant les paroles peu précises de Norna, planait dans leur voisinage, tandis qu’à la frayeur de Brenda se joignait une espèce de colère et d’impatience. Norna, sans y faire la moindre attention, commença son histoire dans les termes suivants :

« Vous savez, mes filles, que votre sang est allié au mien, mais à quel degré, nous ne le savons pas ; car il exista une inimitié mortelle entre votre grand-père et celui qui eut le malheur de m’appeler sa fille… Permettez-moi de le désigner par son nom chrétien d’Erland, car le nom qui indique notre parenté, je n’ose le prononcer. Votre grand-père Olave était frère d’Erland. Mais lorsque les vastes possessions de l’udaller Rolfe Troil, leur père, le plus riche et le plus illustre rejeton du vieux tronc norse, furent partagées entre les frères, le fowd donna à Erland les terres que Rolf Troil avait possédées dans les Orcades, et réserva à Olave celles d’Hialtland ; la discorde brouilla les deux frères ; car Erland prétendit qu’il était lésé ; mais quand la cour suprême[1] avec les anciens et les jurisconsultes eut approuvé le partage, il s’en alla furieux dans les Orcades, maudissant l’Hialtland et ses habitants… maudissant son frère et sa race.

« Mais l’amour des rochers et des montagnes n’avait pas encore abandonné l’esprit d’Erland, et il établit sa demeure non sur les douces collines d’Ophir, ou dans les vertes prairies de Gramesey ; mais dans l’île sauvage et montagneuse d’Hoy, dont les rocs s’élèvent jusqu’aux cieux comme les pics de Foulah et de Feroe[2]. Le malheureux Erland possédait toute la science légendaire qu’avaient léguée à leurs descendants les scaldes et les bardes, et il fit la principale occupation de sa vieillesse de me communiquer des connaissances qui devaient nous coûter si cher à tous deux. J’appris à visiter les monticules solitaires… les cairns élevés… À dire l’histoire

  1. En anglais Lawting. C’était la cour suprême du pays. Ces assemblée ou comices existaient dans les îles Orcades et les îles Shetland, et présentaient dans leur constitution le germe grossier d’un parlement. a. m.
  2. De cette montagne d’Hoy, à la mi-été, on peut, dit-on, voir le soleil à minuit. Ce fait est rapporté par le géographe Bleau, quoique, suivant le docteur Wallace, ce ne puisse pas être le disque même du soleil qu’on aperçoit, mais seulement son image réfléchie sur l’horizon par quelque nuage. w. s.