Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/215

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des Voluspæ et des devineresses de notre antique race ; de savoir comment elles commandaient aux éléments ; d’évoquer les âmes des héros morts hors de leurs sépulcres, pour qu’ils me racontassent leurs aventures, et m’apprissent les lieux où étaient cachés leurs trésors. Souvent, lorsque je veillais près de la pierre du Nain, les yeux attachés sur le Ward-hill qui s’élève au dessus de cette sombre vallée, j’ai distingué, parmi les rochers noirs, cette merveilleuse escarboucle[1] qui reluit comme une fournaise aux regards de ceux qui la regardent d’en bas, mais qui devient invisible lorsqu’un pied audacieux a escaladé les rocs d’où elle darde ses feux. Mon cœur, jeune et vain, brûlait de surprendre ce secret et cent autres dont les sagas et les leçons d’Erland peuplaient ma mémoire, qu’ils indiquaient seulement au lieu de les expliquer. Dans mon audace, je m’adressai au possesseur du Dwarfie-Stone, pour qu’il m’aidât à acquérir des connaissances inaccessibles à de simples humains. — Et l’esprit du mal exauça-t-il votre prière ? » demanda Minna, dont le sang s’était glacé à ces derniers mots.

« Chut ! » répondit Norna en baissant la voix ; « ne parlez pas mal de lui… Il est avec nous… il nous écoute en ce moment. »

Brenda tressaillit, et se leva. « Je m’en vais dans la chambre d’Euphane Fea, dit-elle ; je vous laisse, Minna et Norna, terminer à loisir vos histoires de revenants et de nains ; je m’en moque à toute autre heure, mais je ne puis les souffrir à minuit, et à la lueur pâle de cette lampe. »

Elle allait donc sortir de l’appartement, lorsque sa sœur la retint.

« Est-ce là, dit-elle, le courage d’une fille qui ne croit pas à ce que l’histoire de nos pères nous raconte d’événements surnaturels ? Ce que Norna nous révèle concerne peut-être la destinée de notre père et de sa maison… Si je puis écouter, moi, certaine que Dieu et mon innocence me protégeront contre toute influence maligne, vous, Brenda, qui ne croyez pas à cette influence, vous n’avez cer-

  1. À l’ouest du Dwarfie-Stone est une montagne d’une hauteur prodigieuse et fort escarpée, nommée le Ward d’Hoy, presque au sommet de laquelle, dans les mois de juin et juillet, à minuit, on voit quelque chose reluire et étinceler étonnamment, éclat qui s’aperçoit d’une grande distance. Cet éclat était autrefois beaucoup plus vif qu’à présent ; et quoiqu’on ait souvent gravi la montagne et cherché à s’en servir, on n’a encore rien pu trouver. Le vulgaire en parle comme d’une escarboucle enchantée, mais je pense que c’est une source qui, coulant à la surface d’un roc uni, cause, par la réflexion du soleil, cette admirable splendeur. » Wallace. Description des Orcades, page 52.