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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/222

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secours, sans réfléchir un seul moment aux objets qu’elle pouvait rencontrer dans les longs et sombres passages qu’elle avait à parcourir.

La vieille femme vint sur-le-champ secourir Brenda, et usa aussitôt des remèdes que lui suggéra son expérience ; mais le système nerveux de la pauvre fille avait été si fortement affecté par la terrible histoire qu’elle venait d’entendre, que, lorsqu’elle revint de son évanouissement, tous les efforts ne purent empêcher qu’elle ne tombât dans une longue attaque de nerfs. Enfin, l’expérience d’Euphane Fea, qui était versée dans la simple pharmacie employée par les naturels des îles Shetland, triompha de ce nouveau mal ; et, après lui avoir administré une potion calmante faite du jus de simples et de fleurs sauvages, la vieille femme de charge vit enfin sa malade céder au sommeil. Minna se coucha à côté de sa sœur, lui baisa les joues, et voulut s’abandonner aussi au repos ; mais plus elle l’invoquait, plus il semblait éviter ses paupières ; et lorsqu’elle se sentait prête à s’endormir, la voix de la parricide involontaire lui paraissait encore retentir à son oreille, et la faisait tressaillir.

L’heure ordinaire de leur lever trouva les deux sœurs dans un état tout différent de ce qu’on aurait pu attendre. Un profond sommeil avait rendu à l’œil brillant de Brenda toute sa vivacité, et à ses joues rieuses la fraîcheur de la rose. L’indisposition passagère de la nuit précédente avait laissé aussi peu de traces sur sa figure que les terreurs fantastiques du récit de Norna avaient pu en imprimer dans son imagination. Les regards de Minna, au contraire, étaient mélancoliques, abattus ; elle était évidemment épuisée par la veille et l’inquiétude. D’abord les deux sœurs parlèrent peu, comme n’osant toucher à un sujet si fertile en émotions que l’incident de la nuit. Ce ne fut qu’après avoir rempli ensemble leurs dévotions, que Brenda, en laçant le corset de sa sœur (car elles se rendaient mutuellement tous les services de la toilette), s’aperçut de la pâleur de Minna ; et s’assurant par un coup d’œil sur le miroir que ses propres traits n’étaient plus altérés, elle l’embrassa, et lui dit affectueusement : « Claude Halcro avait raison, ma chère sœur, quand sa poétique folie nous donnait les noms de Nuit et de Jour. — Et à quel propos faites-vous cette remarque en ce moment ? demanda Minna. — Parce que nous sommes chacune plus brave dans le temps dont nous tirons nos noms. J’ai été effrayée à en mourir la nuit dernière, en écoutant cette histoire que vous avez entendue avec une courageuse fermeté ; et maintenant qu’il fait