Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/223

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grand jour, j’y peux penser avec calme, tandis que vous êtes aussi pâle qu’une ombre surprise par le lever du soleil. — Vous êtes heureuse, Brenda, » repartit gravement sa sœur, « de pouvoir oublier si vite un pareil récit de merveilles et d’horreurs. — Ces horreurs ne sauraient être oubliées, à moins qu’il ne fût possible d’espérer que l’imagination exaltée de cette malheureuse femme, qui se montre si active pour conjurer des apparitions, ne l’ait convaincue d’un crime imaginaire. — Vous ne croyez donc rien de son entrevue au Dwarfie-Stone, cet endroit merveilleux sur lequel on raconte tant d’histoires, et qui est en horreur depuis tant de siècles, comme l’ouvrage du démon et comme sa demeure ? — Je crois que notre malheureuse parente ne saurait en imposer ; je crois donc qu’elle se trouva près du Dwarfie-Stone durant un orage, qu’elle y chercha un abri, et que là, pendant un évanouissement, ou pendant son sommeil peut-être, elle fut visitée par quelque rêve se rapportant aux traditions populaires qui lui étaient si familières ; mais il m’est difficile d’en croire davantage. — Et pourtant le résultat a répondu à l’oracle obscur de la vision. — Je vous demande pardon, Minna ; je pense plutôt que jamais le rêve n’aurait pris de vraisemblance, jamais peut-être il ne se serait offert à son souvenir sans l’événement. Elle-même nous a dit avoir presque oublié la vision jusqu’après la mort terrible de son père. Et qui oserait jurer qu’une grande partie de ce qu’elle se rappela dès lors n’était pas l’ouvrage de son imagination justement bouleversée par cet horrible accident ? Si elle avait réellement conversé avec un nain nécromancien, elle devait se rappeler la conversation plus au long ; au moins je me la rappellerais, moi. — Brenda, vous avez entendu le digne ministre de l’église de la Croix dire que la sagesse humaine était pire que la folie quand elle s’appliquait à des mystères au dessus de sa portée ; et que s’il fallait toujours comprendre pour croire, nous résisterions sans cesse à l’évidence de nos sens, qui nous présentent à chaque instant comme certaines des choses inintelligibles. — Vous êtes trop savante vous-même, ma chère sœur, pour avoir besoin de recourir au digne ministre de l’église de la Croix ; mais je pense que sa recommandation n’avait rapport qu’aux mystères de notre religion, que notre devoir est d’accepter sans examen ni doute. Mais dans les affaires de la vie commune, puisque Dieu nous a gratifiés de la raison, nous ne pouvons mal faire de nous en servir. Vous avez une imagination plus ardente que la mienne, ma chère Minna, et vous êtes toute disposée à recevoir les merveilleuses histoires