Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un simple ami !… Prenez garde… l’homme qui ruina pour toujours la paix de Norna était un étranger admis à son affection contre la volonté de sa famille. — Il était étranger, » répondit Brenda avec intention, « non seulement de naissance, mais aussi de manières. Elle n’avait pas été élevée avec lui dès son enfance… elle n’avait pas appris à connaître la bonté, la franchise de son naturel par une intimité de plusieurs années. C’était un étranger pour le caractère, les goûts, la naissance, les manières et les mœurs… quelque aventurier vagabond peut-être que le hasard ou la tempête avait jeté dans l’île, et qui savait déguiser un cœur faux à l’aide d’un visage fin. Ma bonne sœur, appliquez-vous votre conseil, il y a d’autres étrangers à Burgh-Westra que ce pauvre Mordaunt Mertoun. »

Minna parut un instant troublée par la rapidité avec laquelle sa sœur avait réfuté ses soupçons et ses avis. Mais la fierté naturelle de son caractère lui permit de répondre avec un calme affecté.

« Si je voulais vous traiter, Brenda, avec le manque de confiance que vous montrez à mon égard, je pourrais répondre que Cleveland n’est pas plus pour moi que n’a été Mordaunt, plus que le jeune Swaraster, que Lawrence Éricson, ou tout autre favori de mon père. Mais je dédaigne de vous tromper ou de déguiser mes sentiments… J’aime le capitaine Cleveland. — Ne parlez pas ainsi, ma chère sœur, » dit Brenda quittant tout-à-coup le ton d’aigreur qui avait dominé dans les dernières phrases de leur entretien ; et jetant ses bras autour du cou de sa sœur, avec l’air et l’accent de la plus tendre affection… « ne parlez pas ainsi, je vous en conjure ! je renoncerai à Mordaunt Mertoun… je jurerai de ne jamais lui reparler ; mais ne répétez pas que vous aimez ce Cleveland ! — Et pourquoi ne le répéterais-je pas ? » reprit Minna en se dégageant tout doucement des bras de sa sœur, « c’est un attachement dont je me glorifie. La hardiesse, la vigueur et l’énergie de son caractère familier avec le commandement, étranger à la crainte… ces mêmes dispositions qui vous alarment pour mon bonheur, sont les qualités qui l’assurent. Songez, Brenda, que quand votre pied aimait le rivage calme et uni de la mer en été, le mien aimait à gravir jusqu’aux sommets des rocs lorsque les vagues étaient en furie. — Et c’est bien là ce que je crains. Ces dispositions aventureuses vous entraînent maintenant au bord d’un précipice plus dangereux que ceux qui furent jamais creusés par la marée l’hiver. Cet homme… ne froncez pas les sourcils, je ne médirai pas… n’est-il pas, même à votre jugement, partial, hautain et despotique, accoutumé, comme vous