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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/228

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le dites, à commander, mais, par cette raison même, commandant là où il n’a point droit de le faire, et ordonnant là où il devrait seulement obéir ; courant au péril plutôt pour le péril même que pour sauver celui qui s’y trouve ? Pouvez-vous songer à vous unir avec un caractère si mobile et si inquiet, avec un homme qui n’a jamais vécu qu’au milieu des scènes de mort et de danger, et qui même, assis près de vous, ne peut déguiser son impatience de recommencer une pareille vie ? Un amant, il me semble, devrait aimer sa maîtresse plus que sa propre vie ; mais le vôtre, ma chère Minna, aime la sienne moins que le plaisir de donner la mort à d’autres. — Et voilà pourquoi je l’aime… Je suis fille des antiques dames de la Norwége, qui envoyaient leurs amants au combat avec un sourire, et les tuaient de leurs propres mains s’ils revenaient avec déshonneur. Mon amant doit mépriser ces ridicules prouesses par lesquelles notre race dégradée cherche à s’illustrer, ou les accomplir seulement par jeu, et pour se tenir en haleine de plus nobles dangers. Il ne s’agit pas de pêcher des baleines ou de dénicher des oiseaux pour me plaire. Mon amant doit être un roi de la mer, ou jouer le rôle qui dans les temps modernes approche le plus de cette haute dignité. — Hélas ! ma sœur, c’est bien à présent que je commence à croire à la vertu des sorts et des charmes. Vous me rappelez le roman espagnol que vous m’avez ravi il y a long-temps, parce que je disais que, dans votre enthousiasme pour les vieux temps chevaleresques de la Scandinavie, vous rivalisiez d’extravagance avec ce héros… Ah ! Minna, vos joues montrent que votre conscience vous condamne et vous rappelle le livre que je veux dire… Est-il plus sage, pensez-vous, de prendre un moulin pour un géant, ou le capitaine d’un pauvre bâtiment corsaire pour un Kiempe ou un Viking ? »

Minna rougit en effet de dépit à cet argument dont elle sentit peut-être la vérité jusqu’à un certain point.

« Vous avez raison de m’insulter, répondit-elle, parce que vous possédez mon secret. »

Le bon cœur de Brenda ne put supporter cette accusation ; elle adjura sa sœur de lui pardonner, et la tendresse de Minna ne put résister à ses instances.

« Nous sommes malheureuses, » dit-elle en mouillant sa sœur de ses larmes, « de ne pouvoir considérer tout avec les mêmes yeux… Cessons de nous irriter mutuellement par des injures et des reproches. Vous avez mon secret… il n’en sera peut-être pas un longtemps, car mon père recevra la confidence à laquelle il a droit,