Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/23

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M. Mertoun agréa des conditions si peu onéreuses, et depuis lors résida principalement dans la maison solitaire que nous avons décrite au commencement de ce chapitre, se résignant non seulement sans plainte, mais encore, à ce qu’il semblait, avec un sombre plaisir, à toutes les privations qu’un lieu si sauvage et si abandonné imposait à l’homme qui l’habitait.






CHAPITRE II.

l’étranger.


Ce n’est pas le coup d’œil seulement… L’homme, Anselme, l’homme trouve dans les ruines sauvages et dans les flots bouillonnants et furieux une sympathie que lui refusent des paysages plus beaux et des ondes plus tranquilles.
Ancienne Tragédie.


Les habitants peu nombreux du canton de Jarlshof avaient d’abord appris avec alarme qu’une personne d’un rang supérieur au leur allait venir habiter le bâtiment en ruine qu’ils appelaient encore le château. À cette époque (car tout va mieux maintenant), la présence d’un supérieur dans une pareille résidence devait très certainement être accompagnée de surcharges et d’exactions additionnelles dont les coutumes féodales fournissaient mille prétextes. Moyennant chacun de ces prétextes, une partie des minces profits qu’avaient amassé les habitants à la sueur de leur front venait remplir la bourse de leur puissant voisin et seigneur, le tacksman[1], comme on l’appelait. Mais les sous-tenanciers reconnurent bientôt qu’ils n’avaient à redouter aucune oppression de ce genre de la part de Basile Mertoun. Sa propre fortune, grande ou petite, suffisait amplement à ses dépenses ; et celles-ci, réglées sur ses habitudes frugales, étaient par conséquent des plus modestes. Le luxe de quelques livres et plusieurs instruments de physique, qu’on lui envoyait de Londres quand l’occasion s’en présentait, semblait annoncer un degré de richesse extraordinaire dans ces îles ; mais d’autre part la table et l’ameublement de Jarlshof n’avaient rien de mieux chez lui que chez les propriétaires shetlandais de la condition la plus ordinaire.

Les tenanciers du canton s’embarrassèrent fort peu de la qualité de leur seigneur, dès qu’ils reconnurent que leur situation serait

  1. Homme à bail ou fermier. Tack, en écossais, veut dire bail. a. m.