Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/24

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plutôt améliorée que rendue pire par sa présence. Une fois délivrés de la crainte de sa tyrannie, ils firent cause comune pour lui soutirer son argent par diverses petites ruses ; en exigeant, par exemple, un prix double de leurs denrées, extorsions auxquelles l’étranger se soumit pour un temps avec la plus philosophique indifférence. Dans ces entrefaites il survint un accident qui montra son caractère sous un nouveau jour, et qui mit un terme aux impôts qu’on levait sur lui.

Une dispute s’éleva dans la cuisine du château entre une gouvernante ou femme de charge de M. Mertoun et Sweyn Érickson, aussi habile qu’aucun Shetlandais à diriger une barque pour pêcher en pleine mer. Cette dispute, comme d’usage, fut soutenue avec une chaleur tellement croissante et des vociférations si bruyantes, qu’elles parvinrent aux oreilles du maître. M. Mertoun était retiré dans une tourelle solitaire, profondément occupé à examiner le contenu d’un nouveau paquet de livres qu’il venait de recevoir de Londres après les avoir long-temps attendus ; ces livres avaient enfin trouvé moyen d’arriver à Hull, puis, grâce à un vaisseau baleinier, à Lerwick, et de là, en dernier lieu, à Jarlshof. Entraîné par un accès d’indignation plus violent que celui que ressentent d’ordinaire les gens indolents lorsqu’un motif désagréable les force à se remuer, Mertoun descendit sur la scène de la contestation, et s’enquit de la cause de la dispute d’un ton si péremptoire et si sévère, que les parties, malgré toutes les évasions dont elles essayèrent, ne purent lui cacher que le sujet de leur différend était relatif aux profits auxquels l’honnête gouvernante et le non moins honnête pêcheur avaient respectivement droit sur un gain d’environ cent pour cent en sus du marché de morue achetée par la ménagère au matelot pour la consommation du ménage de Jarlshof.

Quand le fait fut bien avéré et confessé, M. Mertoun resta immobile, regardant les coupables avec des yeux où le plus profond mépris semblait lutter contre une violente colère. « Écoutez, vous, vieille drôlesse, dit-il enfin à la ménagère, videz ma maison à l’instant, et sachez que je vous chasse, non pas comme menteuse, voleuse et ingrate coquine, bien que ces qualités vous appartiennent aussi bien en propre que le nom de femme, mais pour avoir osé, dans ma maison, hurler au point de perdre haleine. Quant à vous, faquin, qui supposez pouvoir écorcher un étranger comme une baleine, sachez que je connais parfaitement ce que je puis exiger de vous quand je le voudrai comme délégué de votre maître Magnus