Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/232

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un sourire de confiance et l’acclamation générale de la compagnie, le joyeux vieillard promit de jouer son rôle dans l’amusement projeté.

Mais, lorsqu’on allait commencer, la distribution des rôles fut subitement changée. Norna de Fitful-Head, que tout le monde, excepté les deux sœurs, croyait à une distance de plusieurs milles, entra soudain et sans dire mot dans l’appartement, s’avança majestueusement vers le tabernacle de peaux d’ours, et fit signe à la femme qui s’y trouvait assise d’abandonner son sanctuaire. La vieille Euphane sortit en remuant la tête et paraissant atterrée de frayeur ; et dans le fait, il n’y avait pas beaucoup d’assistants qui pussent voir avec un calme parfait l’apparition subite d’une personne si bien connue et si généralement crainte que Norna.

Elle s’arrêta un moment à l’entrée de la hutte ; et en soulevant la peau qui formait la porte, elle se tourna vers le nord comme pour lui demander des inspirations ; alors faisant signe aux hôtes surpris qu’ils pourraient approcher tour à tour du lieu consacré où elle allait s’installer, elle entra dans la tente et disparut à leurs yeux.

Mais le divertissement avait changé de nature, et il paraissait devenu si sérieux pour toute la compagnie, qu’on ne se pressait pas de consulter l’oracle. Le caractère et les prétentions de Norna semblaient, à presque toutes les personnes présentes, d’un genre trop grave pour le rôle qu’elle avait pris. Les hommes se parlaient à voix basse, et les femmes, suivant la remarque d’Halcro, réalisaient la description du glorieux John Dryden :

En frémissant d’horreur, elles serraient leurs rangs.

Le silence fut interrompu par la voix mâle de l’udaller. « Et pourquoi le divertissement ne commence-t-il pas, mes amis ? Avez-vous peur parce que ma parente va être notre voluspa ? C’est grande complaisance à elle de faire pour nous ce que personne dans nos îles ne ferait si bien ; et loin de laisser là la partie, il faut nous y mettre plus gaîment. »

Il y eut un nouveau silence dans la compagnie, et Magnus ajouta : « Il ne sera pas dit que ma parente se soit assise sur son trépied sans qu’on la consultât, parce que tous les cœurs tremblent en sa présence, comme si elle était une géante des montagnes. Je l’interrogerai, moi, le premier ; mais les vers ne viennent pas si vite au bout de ma langue que quand j’étais plus jeune d’une vingtaine d’années. Claude Halcro, à mon secours ! »