Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/233

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Se tenant par la main ils approchèrent du sanctuaire de la prétendue sibylle, et après s’être consultés un moment, Halcro exprima la demande de son ami et patron. Mais avant, il nous faut dire que, comme beaucoup d’importants personnages des îles Shetland, à ce qu’assure sir Robert Sibbald, qui commençaient, vers cette époque reculée, à se mêler de commerce et de navigation, l’udaller était intéressé pour une part assez forte dans la pêche aux baleines, et que le poète était chargé, dans son improvisation, d’interroger la devineresse sur le succès de l’entreprise.

Voici les vers d’Halcro :

Perce à travers la neige, à travers les frimas ;
Sur les bords groenlandais ne découvres-tu pas
Parmi les monts de glace un navire avec peine
Poursuivant l’énorme baleine ?
Mère terrible, au formidable abord,
Apprends-nous si l’esquif vient de gagner le port.

La plaisanterie semblait devenir sérieuse, lorsque chacun, la tête penchée en avant, entendit la voix de Norna qui, sans la moindre hésitation, répondit du fond de la hutte où elle était renfermée :

Sans cesse le vieillard rêve son opulence,
Sa pêche, ses guérets, ses troupeaux et ses bœufs ;
Mais qu’il tremble en voyant combler son espérance !
Il pourra de douleur s’arracher les cheveux.

Elle s’interrompit un instant, et Triptolème en profita pour murmurer : « Quand dix sorcières et autant de magiciens le jureraient, je ne croirai jamais qu’un homme raisonnable puisse s’arracher la barbe ou s’égratigner, n’importe à quel propos, lorsque ses magasins sont encombrés de provisions. »

Mais la voix de la hutte reprit son ton lent et monotone, et interrompant les commentaires, continua comme il suit :

Le navire, lesté d’une charge bien grande,
Noblement se balance aux rivages d’Islande ;
La brise le ramène aux terres de Shetland,
Le ruban, sur le mât, flotte resplendissant[1] :
Sept baleines, voilà sa cargaison nouvelle.
Par sa mâchoire au mal chacune se révèle :[2]

  1. Couronne faite avec des rubans par les jeunes femmes qui s’intéressent à un
    bâtiment qui part pour la pêche de la baleine, ou à son équipage ; elle est toujours
    attachée à un des agrès, et conservée avec grand soin durant le voyage. w. s.
  2. La meilleure huile sort des mâchoires de la baleine, et pour la recueillir on les
    suspend aux mât du bâtiment. w. s.