Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

prend tout-à-coup l’air d’une ville indienne. L’endroit où se fait cette pêche est souvent éloigné de plusieurs milles du village : aussi sont-ils toujours vingt ou trente heures absents, quelquefois plus long-temps ; et, lorsque le vent et la marée ne leur sont pas favorables, ils restent en mer avec fort peu de provisions, et dans une barque qui semble d’une construction peu solide, pendant deux ou trois jours : il arrive aussi quelquefois qu’on n’entend plus parler d’eux. Le départ des pêcheurs pour de telles expéditions éveille donc des idées de péril et de souffrance qui relèvent leur profession, et l’inquiétude des femmes qui restent sur le rivage à voir disparaître les barques qui s’éloignent, ou à épier leur retour, donne quelque chose de touchant à cette scène[1].

Tout présentait donc un air de vie et d’activité lorsque l’udaller et ses amis approchèrent du rivage. Il y avait environ trente barques dont chacune devait recevoir un équipage de trois à six hommes. Les pêcheurs prenaient congé de leurs femmes et de leurs parents, puis s’élançaient dans leurs longues barques de Norwége, où leurs lignes et leurs filets étaient préparés. Magnus n’était pas tranquille spectateur de cette scène ; il allait d’un endroit dans un autre, s’informant de la quantité de provisions qu’ils emportaient, et s’enquérant à droite, à gauche, avec un gros juron hollandais ou norse, traitant les pêcheurs de nigauds, pour s’en aller en mer avec des barques si mal approvisionnées, et finissant toujours par ordonner qu’on allât prendre à son magasin un gallon de genièvre, un lispund de farine, ou toute autre chose essentielle. Les rudes marins remerciaient d’une façon brève et brusque qui

  1. Le docteur Edmonstone, ingénieux auteur d’une Vue sur l’état ancien et actuel des îles Shetland, a présenté cette partie de son sujet sous un jour intéressant. « Il est vraiment pénible, dit-il, de voir l’inquiétude et les angoisses qu’éprouvent les femmes de ces pauvres pêcheurs à l’approche d’une tempête. S’inquiétant peu des fatigues, elles abandonnent leurs demeures, et courent à l’endroit où elles pensent que leurs maris aborderont, ou gravissent au faîte d’un roc pour tâcher de les apercevoir en mer. Si une voile vient à frapper leurs yeux, elles la suivent avec une vive sollicitude, tandis qu’elle s’élève et s’abaisse alternativement sur les vagues. Souvent elles sont tranquillisées par l’heureux retour des objets de leur tendresse, mais quelquefois elles attendent la barque qui ne doit jamais revenir. Sujets à l’influence d’un climat variable, et s’engageant sur des mers naturellement orageuses et pleines de rapides courants, il se passe à peine une saison sans quelque fatal accident ou quelque merveilleux prodige qui empêche un naufrage. » Vue, etc., des îles Shetland. Vol. Ier, p. 236. On peut trouver dans l’ouvrage que nous venons de citer beaucoup de détails curieux sur les pêcheries et l’agriculture de ces contrées, aussi bien que sur leurs antiquités. w. s.