Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/245

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Dans une des parties les plus solitaires du rivage où les rocs, profondément rongés par la mer, donnent à la marée accès dans la caverne, ou, comme on l’appelle, dans le hallier de Swartaster, Minna Troil se promenait avec le capitaine Cleveland. Ils avaient probablement choisi cette promenade pour être mieux à l’abri des importuns ; car, de même que la force de la marée sur cette côte y rendait la navigation et la pêche impossibles, de même le lieu n’était pas recherché des promeneurs, parce qu’on supposait la caverne habitée par une sirène, être que la superstition norwégienne revêt d’une puissance magique et d’une forte propension au mal. C’était là, disons-nous, qu’erraient Minna et son amant. Une petite longée de sable blanc comme le lait, qui s’étendait sous une des roches dont la crique était bordée d’un côté, leur offrait une promenade sèche, ferme et agréable, d’environ trois cents verges. Cette promenade était bornée à une extrémité par un sombre renfoncement de la baie à peine agitée par le vent et unie comme une glace ; on apercevait cette étendue d’eau entre deux hauts rochers, dont les cimes venaient presque la toucher. L’autre extrémité de la promenade était fermée par un roc sourcilleux et presque inaccessible, repaire de mille oiseaux marins d’espèces différentes, au milieu duquel s’entr’ouvrait le vaste hallier, comme pour avaler la marée montante, qui venait tomber dans un abîme d’une étendue et d’une profondeur incommensurables. L’entrée de cette affreuse caverne ne consistait pas en une seule arche ; mais elle était divisée en deux par un énorme pilier de roc naturel, qui, sortant de la mer et montant jusqu’au sommet de la caverne, semblait soutenir la voûte, et formait ainsi un double portail que les pêcheurs et les paysans avaient baptisé du nom singulier de Narines du Diable. Dans ce lieu sauvage et solitaire, dont le silence n’était troublé que par les cris des oiseaux de mer, Cleveland s’était déjà rencontré plus d’une fois avec Minna Troil. C’était la promenade favorite de la fille de Magnus ; car cette scène déployait tout ce qu’il fallait pour satisfaire ceux qui aiment les aspects sauvages, mélancoliques et merveilleux. Mais alors la conversation qui occupait les deux promeneurs était de nature à éloigner leur attention du paysage qui les entourait.

« Vous ne pouvez le nier, disait Minna, vous agissez envers ce jeune homme avec prévention et violence ; prévention injuste, en ce qui vous concerne au moins, et violence également injuste et sans motif. — J’aurais cru, répondit Cleveland, que le service