Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/246

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qu’il a reçu de moi hier pouvait me sauver d’une pareille accusation. Je ne parle point de mon propre péril, car j’ai vécu au milieu du danger et je l’aime ; tout le monde pourtant ne se serait pas aventuré si près d’une baleine furieuse pour sauver un individu complètement indifférent. — Tout le monde, il est vrai, n’en eût pas fait autant, » répliqua gravement Minna ; » mais, pour le faire, il suffisait d’avoir du courage et de la générosité. Ce fou de Claude Halcro aurait fait comme vous, si sa force eût répondu à sa bonne volonté ; mon père en aurait fait aussi autant, quoiqu’il ait de justes motifs de ressentiment contre ce jeune homme, pour l’abus vain et imprudent qu’il a fait de notre hospitalité. Ne vous glorifiez pas trop de votre exploit, mon bon ami, de peur que vous ne me fassiez croire qu’il vous a coûté un grand effort. Je sais que vous n’aimez pas Mordaunt, quoique vous ayez pu vous exposer pour lui sauver la vie. — Ne m’accorderez-vous donc rien, dit Cleveland, en faveur des longues souffrances qu’il m’a fait endurer, quand partout la renommée publiait que cet imberbe dénicheur d’oiseaux se plaçait entre moi et ce que je désirerais le plus au monde : l’affection de Minna Troil ? »

Il parlait d’un ton à la fois passionné et insinuant, et toutes ses expressions, toutes ses manières avaient une grâce et une élégance qui formaient le contraste le plus frappant avec les discours et les gestes d’un marin grossier, tel qu’il paraissait ordinairement. Mais son excuse ne satisfit point Minna.

« Vous avez su, reprit-elle, peut-être trop tôt et trop bien, combien peu vous aviez à craindre, si vous l’avez réellement craint, que Mertoun, ou tout autre, eût gagné la tendresse de Minna Troil : trêve de remercîments et de protestations ; la meilleure preuve de gratitude que vous puissiez me donner, c’est de vous réconcilier avec ce jeune homme, ou du moins d’éviter toute dispute avec lui. — Que nous devenions amis, Minna, c’est impossible ; même l’amour que je vous porte, le sentiment le plus puissant que mon cœur ait jamais connu, ne peut opérer ce miracle. — Et pourquoi, s’il vous plaît ? vous n’avez reçu aucune offense l’un de l’autre ; mais plutôt c’est un échange mutuel de services qui a existé entre vous ; pourquoi ne pouvez-vous être amis ?… J’ai plusieurs raisons de le souhaiter. — Et pouvez-vous donc, vous, oublier les mépris qu’il a déversés sur Brenda, sur vous-même, et sur la maison de votre père ? — Je puis tout oublier ; n’en pouvez-vous dire autant, vous qui n’avez réellement reçu aucune offense ? »