Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/261

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sommeil, qui montrait clairement qu’en continuant de semblables tentatives on l’éveillerait tout-à-fait.

À son grand désespoir, Minna était donc forcée de se tenir tranquille et silencieuse ; son amant essaya de la toucher par un autre air, et chanta le fragment qu’on va lire :

Adieu ! la voix qui s’élève pour vous,
Pour vous aura formé sa dernière harmonie ;
Aux chants de mort désormais réunie,
Pourra-t-elle trouver des sons tendres et doux ?

Les yeux craintifs que je détournais vite,
Et la main qui tremblait si je pressais ta main.
Contempleront et la mort et la fuite,
Donneront du combat le signal inhumain.

À ce que j’aime, à l’espoir, à la crainte,
À l’amour même adieu, comme aux feux du désir ;
À cette vie, à sa tant douce étreinte,
À tous adieu ; mais non à ton seul souvenir !


Il se tut encore, et encore une fois celle à qui s’adressait la sérénade chercha vainement à se lever sans réveiller sa sœur. Ce fut vainement, et l’esprit de Minna n’était plus occupé que de l’idée affligeante que Cleveland s’éloignait désolé, sans un seul regard, sans un seul mot de son amante ; lui dont le naturel était si violent, et qui pourtant domptait son impétuosité avec une attention si scrupuleuse pour plaire à son amie ! Si elle avait pu dérober un instant, pour seulement lui dire adieu, pour le prier d’éviter toute nouvelle dispute avec Mertoun, pour le conjurer de fuir les camarades qu’il lui avait dépeints ! Oh ! si elle le pouvait, qui pourrait dire quels effets ces derniers avis produiraient sur son caractère, même sur la suite de sa vie ?

Déchirée par de telles réflexions, Minna allait tenter un décisif et dernier effort, quand elle entendit des voix sous la fenêtre, et pensa distinguer celles de Cleveland et de Mordaunt ; ils parlaient fort vite, mais en même temps, et comme à dessein, sur un ton extrêmement bas, comme s’ils eussent craint d’être entendus. La frayeur ce joignit alors à son premier désir de s’élancer hors de son lit, et elle exécuta soudain le dessein qu’elle avait jusqu’à ce moment toujours vainement tenté. Le bras de Brenda fut soulevé, sans que la dormeuse en fût beaucoup troublée, car elle ne poussa que deux ou trois murmures inintelligibles, tandis que Minna se couvrait en silence et avec promptitude de quelques vêtements,