Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/262

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dans l’intention de voler à la fenêtre ; mais avant d’en avoir le temps, au bruit des voix succéda tout-à-coup un bruit semblable à celui de deux hommes qui se battent, puis bientôt un profond gémissement.

Épouvantée par ce dernier signal de malheur, Minna s’élança vers la fenêtre, et s’efforça de l’ouvrir, car les individus étaient si près des murailles mêmes de la maison, qu’il lui était impossible de les apercevoir sans avancer la tête en dehors ; mais le crochet de fer était rude et rouillé, et, comme il arrive d’ordinaire, l’empressement avec lequel elle s’efforçait de l’ouvrir rendait cette besogne encore plus difficile. Quand Minna eut réussi, et eut penché la moitié de son corps par la croisée, les personnes qui avaient produit le bruit dont elle était alarmée avaient disparu ; cependant, elle aperçut une ombre, et le corps qui la projetait devait en ce moment tourner le coin d’un mur. L’ombre avançait lentement, et semblait celle d’un homme qui en porte un autre, observation qui mit le comble aux alarmes de Minna. La fenêtre n’était élevée que de huit pieds au dessus du sol. Elle n’hésita point à franchir cette distance, et à poursuivre l’objet qui avait excité sa terreur.

Mais lorsqu’elle arriva au coin du bâtiment où l’ombre avait disparu, elle ne découvrit rien qui pût lui indiquer la route qu’on avait prise ; et, après un instant de réflexion, elle sentit que toute tentative pour poursuivre cette recherche serait aussi téméraire qu’infructueuse. Outre toutes les projections et tous les enfoncements que formaient les angles nombreux de la maison ; outre les différents celliers, magasins, hangars, et autres bâtiments qui défiaient les recherches que pouvait faire une seule personne, il y avait une chaîne de rochers bas qui s’étendait jusqu’au petit havre, et qui était la continuation de ceux qui en formaient la jetée. Ces rocs étaient remplis de creux, de trous, et de cavernes, dans une desquelles l’individu dont l’ombre était reflétée pouvait s’être réfugié avec son fatal fardeau ; car, selon toute apparence, Minna pouvait l’appeler fatal.

Un moment de réflexion, avons-nous dit, avait convaincu la pauvre fille de la folie d’une poursuite ultérieure ; sa seconde idée fut de donner l’alarme aux gens de la maison ; mais quelle histoire leur conterait-elle, et sur qui pourrait-elle la conter ? D’un autre côté, l’homme blessé, s’il n’était que blessé, hélas ! s’il n’était pas mortellement blessé, ne devait pas être encore si loin qu’on ne pût le secourir. Elle allait donc se mettre à appeler, quand elle fut in-