Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/263

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terrompue par la voix de Claude Halcro, qui paraissait revenir de la baie, et chantait à sa manière un morceau d’une ridicule chanson norse qu’on peut traduire ainsi :

À mes funérailles, c’est vous
Qui présiderez, bonne mère ;
Quand mon corps sera dans la bière,
Donnez et pain blanc et vin doux.

Vous soignerez, ma bonne mère,
Mes chiens, mes faucons, mes chevaux ;
Vous soignerez ma vaste terre,
Mes forêts et mes neuf châteaux.

Mais ne parlez point de vengeance,
N’en parlez point pour le forfait ;
Corps en poudre, âme au ciel, je pense ;
Le reste à Dieu, comme il lui plaît.

Le singulier rapport de ces vers à la situation où elle se trouvait sembla à Minna un avertissement du ciel. Nous parlons d’un pays de prodiges et de superstitions, et peut-être serons-nous à peine compris par ceux dont la froide imagination ne peut concevoir combien ces idées agissaient puissamment sur l’esprit humain à certaines époques de la société. Un vers de Virgile, pris dans ses œuvres au hasard, était regardé, au seizième siècle et à la cour d’Angleterre, comme une indication des événements futurs ; pourquoi donc s’étonnerait-on qu’une fille des îles sauvages et reculées du Shetland eût pu regarder comme une injonction céleste des vers qui se trouvaient avoir un sens analogue à sa situation ?

« Je resterai muette, murmura-t-elle, je fermerai mes lèvres.

Corps en poudre, âme au ciel, je pense ;
Le reste à Dieu, comme il lui plaît.

— Qui parle ainsi ? » demanda Halcro d’une voix tremblante car il n’avait pu réussir, malgré ses voyages en pays étrangers, à se débarrasser jamais de ses superstitions natales. Dans l’état où la crainte et l’horreur l’avaient réduite, Minna fut d’abord incapable de répondre ; et Halcro, les yeux fixés sur la figure blanche qu’il voyait indistinctement, car elle se tenait dans l’ombre de la maison, et le crépuscule était sombre et brumeux, se mit à la conjurer par d’anciens vers qui se présentèrent à son esprit, comme propres à la circonstance ; ces vers, bredouillés par le petit poète, offraient des sons sauvages et peu humains, qualité qu’on retrouvera sans doute à un haut degré dans la traduction suivante :

Par saint Magnus, martyr de trahison,