Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/265

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nus ! comme s’il n’y avait pas, dans les îles Shetland, de bas en laine assez doux pour ces jolis pieds, ces charmantes chevilles, qui étincellent de blancheur à la clarté de la lune ? Quoi ! pas un mot ! On est fâché contre moi, peut-être, » ajouta-t-il d’un ton plus sérieux, « à cause de mes sottises. Honte à vous, simple fille ! songez que je suis assez vieux pour être votre père, et que je vous ai toujours aimée comme mon enfant. — Je ne suis pas fâchée, » dit Minna en s’efforçant de parler ; « mais n’avez-vous rien entendu ? rien vu ? Ils doivent avoir passé près de vous. — Ils !… s’écria Claude Halcro ; qu’entendez-vous par cet ils ? Sont-ce les flambeaux funèbres ? Non, ils n’ont point passé près de moi, mais je crois qu’ils ont passé près de vous, et que leur influence vous a été funeste, car vous êtes aussi pâle qu’un spectre. Allons, allons, Minna, » ajouta-t-il en ouvrant une porte de derrière, « ces promenades au clair de lune conviennent mieux aux vieux poètes qu’aux jeunes filles, surtout lorsqu’elles sont si légèrement vêtues. Ma belle enfant, vous devriez faire attention à la belle robe que vous portez, quand vous affrontez ainsi les vents d’une nuit de nos îles ; car ils apportent plus de pluies et de brouillard que de parfum sur leurs ailes. Rentrez donc, jeune fille, car, comme dit le glorieux John, ou comme il ne dit pas, car je ne puis me rappeler comment sont tournés ses vers, mais comme je dis moi-même dans un joli poème, composé durant la jeunesse de ma muse :

Jeune fille du lit ne doit lever les yeux
Qu’au moment où l’aurore a redoré les cieux,
Ni rouvrir sa paupière encore demi-close,
Qu’alors que le soleil a caressé la rose.
Jeune fille ne doit, d’un pied blanc et mignon,
Dans nos prés ou nos bois effleurer le gazon,
Que quand des fleurs s’ouvrant les odorants calices
Aux pas de la beauté forment des lits propices.

« Arrêtez, que vient-il après ?… Voyons. »

Quand la rage de réciter ses propres vers s’était emparée de Halcro, il oubliait heure et lieu, et il aurait pu tenir sa compagne une demi-heure au froid, à lui prouver par des arguments poétiques comme quoi elle aurait dû rester au lit. Mais elle l’interrompit par une question faite vivement, quoique d’une voix qui était à peine articulée, en même temps que d’une main tremblante elle lui saisissait le bras, comme par un effet convulsif, afin de ne pas tomber : « N’avez-vous vu personne dans la barque qui vient de