Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la bouche : seulement l’udaller, pressé par l’impatience et l’inquiétude, mettait souvent son cheval au trot, et puis, se rappelant la mauvaise santé de Minna, il lui faisait reprendre le pas ; il demandait sans cesse à sa fille comment elle se trouvait, et si la fatigue n’était pas trop forte pour elle. À midi la troupe fit halte pour prendre quelques rafraîchissements ; outre leurs amples provisions, ils avaient devant eux une jolie source dont les eaux, malgré leur pureté, ne flattèrent le palais de l’udaller que lorsqu’elles furent coupées par une dose abondante de la véritable liqueur de Nantes. Après avoir une seconde et même une troisième fois rempli de cette mixtion un large gobelet de voyage en argent, autour duquel étaient représentés un Cupidon allemand fumant sa pipe, et un Bacchus aussi allemand vidant son flacon dans la gueule d’un ours, il commença à jaser un peu plus que son chagrin ne lui avait permis de le faire durant la première partie du chemin, et s’adressa ainsi à ses filles :

« Eh bien, mes enfants ! nous voici à une lieue ou deux de la demeure de Norna, et nous allons bientôt voir comment la vieille magicienne nous accueillera.

Minna interrompit son père par une faible exclamation, tandis que Brenda, extrêmement surprise, s’écriait : « Est-ce donc à Norna que nous allons rendre visite ! Le ciel nous en préserve ! — Et pourquoi le ciel nous en préserverait-il ? demanda l’udaller en fronçant les sourcils. Pourquoi, je serais curieux de le savoir, le ciel me préserverait-il de visiter ma parente, quand son habileté peut être utile à votre sœur, s’il est encore une femme ou un homme dans les îles Shetland qui puissent lui être utiles ? Vous êtes folle, Brenda ; votre sœur est plus raisonnable. Du courage, Minna ! vous qui aviez l’habitude d’écouter avec tant de plaisir ses chansons et ses histoires ; vous qui lui sautiez toujours au cou, alors que la petite Brenda criait et fuyait comme un vaisseau marchand espagnol fuit un pirate hollandais. — Je souhaite qu’elle ne m’effraie point autant aujourd’hui, mon père, » répondit Brenda, voulant aider sa sœur à satisfaire l’envie qu’elle paraissait avoir de garder le silence, et en même temps complaire à son père en soutenant la conversation. « J’ai entendu dire tant de choses sur sa demeure, que je suis presque alarmée d’y entrer sans invitation. — Vous êtes une folle, répliqua Magnus, de penser qu’une visite de ses parents puisse mécontenter un cœur bon et bienveillant, un vrai cœur d’Hialtlandais, comme celui de ma cousine Norna. Et, maintenant que j’y songe, je jure-