Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/289

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et la puissance prétendues de Norna, l’empêchèrent en cette occasion de s’abandonner à l’irritabilité naturelle de son caractère ; au contraire, il se détermina à se rendre en personne auprès de sa parente. Il ne communiqua cependant son projet à personne, et pria seulement ses filles de se préparer pour le lendemain à l’accompagner dans une visite qu’ils rendraient ensemble à une parente qu’il n’avait pas vue depuis long-temps ; il les prévint en même temps qu’il faudrait emporter quelques provisions de bouche, car la route était longue, et ils pouvaient trouver leur amie mal approvisionnée.

Habituée à ne jamais demander à son père d’explications sur ses volontés, et se flattant que l’exercice et les plaisirs d’une telle excursion pourraient améliorer l’état de sa sœur, Brenda, sur qui étaient retombés tous les soins du ménage et de la famille, surveilla tous les préparatifs nécessaires à leur expédition. Le matin suivant ils étaient en route pour traverser la vaste étendue de côtes et de marécages, qui, variés seulement de loin en loin par des champs d’avoine et d’orge dans les endroits où l’on avait réussi à rendre le sol propre à la culture, séparaient Burgh-Westra de l’extrémité nord-ouest de Main-Land (c’est le nom qu’on donne à l’île principale, qui se termine par un promontoire nommé Fitful-Head, de même que la pointe sud-est de l’île se termine par le Sumburgh-Head).

Ils s’en allaient donc par monts et par vaux, l’udaller monté sur un palefroi robuste, à larges épaules et à poil luisant, de race norwégienne, un peu élevé de taille, et pourtant aussi vigoureux que les chevaux ordinaires du pays ; tandis que Minna et Brenda, renommées entre autres talents pour leur adresse à monter à cheval, avaient deux de ces légers animaux, qui, nourris et élevés avec plus de peine qu’on n’a coutume d’en prendre, montraient, par la beauté de leurs formes et leur activité, que cette race, si maladroitement négligée, est susceptible de s’améliorer beaucoup du côté de la grâce, sans rien perdre de sa force ni de son ardeur. Ils étaient accompagnés par deux domestiques à cheval et deux à pied : cette dernière circonstance ne devait aucunement retarder leur route, car une grande partie du chemin était si escarpée ou si mouvante, que les montures pouvaient à peine avancer d’un pied à chaque pas ; d’ailleurs, lorsque le sol devenait ferme et uni, les deux piétons n’avaient qu’à choisir dans le premier troupeau de bidets errants pour suivre le pas de la cavalcade.

Le voyage était fort triste, et les voyageurs ouvraient rarement