Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/306

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rendre moins douloureux ; car tous les secours du monde ne sauraient le guérir… Le cœur… oui, le cœur… touchez-le, et l’œil perd son éclat, le pouls s’affaiblit, toute la circulation du sang se trouble et s’interrompt, nos membres dépérissent comme la plante marine sans sève dépérit aux rayons d’un soleil d’été ; nos plus beaux projets pour l’avenir sont bientôt détruits ; il ne reste que l’ombre d’un bonheur perdu, ou la crainte d’un malheur inévitable. Mais la Reim-Kennar va commencer sa besogne… il est heureux que j’aie préparé les matériaux. »

Elle quitta son long manteau de couleur sombre et parut devant eux avec un vêtement court de wadmaal bleu-clair, dont les basques étaient garnies de velours noir bizarrement tailladé, et réunies au corsage par une ceinture d’argent d’un travail merveilleux. Elle détacha ensuite le réseau qui retenait ses cheveux gris, puis, agitant sa tête d’une façon bizarre, elle les fit tomber en désordre sur son visage et sur ses épaules, si bien qu’on pouvait à peine distinguer ses traits. Elle plaça alors le creuset sur le réchaud, versa quelques gouttes d’une fiole sur le charbon, tourna vers ce charbon son index ridé, qu’elle avait auparavant mouillé du liquide d’une autre petite bouteille, et dit d’une voix forte : « Feu, fais ton devoir. » À ces mots, sans doute par quelque combinaison chimique que les spectateurs ne pouvaient connaître, le charbon qui était sous le creuset commença à s’enflammer assez lentement. Norna, comme impatientée de ce délai, se hâta de rejeter sa chevelure en arrière, et tandis que ses traits réfléchissaient les étincelles et la lueur rougeâtre du feu, et que ses yeux brillaient au travers de ses cheveux, comme ceux d’un animal sauvage dans l’obscurité de sa tanière, elle souffla violemment jusqu’à ce que le fourneau fût entièrement allumé. Alors elle cessa de souffler, et murmurant qu’il fallait remercier l’esprit du feu, elle récita sur un air monotone et pourtant bizarre les vers suivants :

Esprit nécessaire et terrible,
À l’aile rouge, au front ceint de brouillards,
Sans le souffle duquel le nord froid, insensible,
Dormirait du sommeil des cadavres épars ;
Qui daignes échauffer l’âtre de la chaumière,
Et réduis les palais en monceaux de poussière ;
Le plus brillant, le plus fin des pouvoirs
Dont le concours gouverne notre sphère ;
Toi qui m’aidas en mes tristes devoirs,
Je reconnais ton appui tutélaire.

Ensuite elle coupa un morceau de la lame de plomb qui était sur