Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Doit redouter Nixie et ses enchantements ;
Celle qui, solitaire y aime ces bords charmants,
Doit craindre tes discours, ô magique sirène ;
Du cercle verdoyant[1] celle qui fait le tour,
Promenant ses regards dans le sein de la tour,
De la féerie offense assurément la reine
Et celle qui s’endort dans la grotte du Nain
Doit s’attendre à quelque chagrin,
À quelque traverse prochaine.
Ô Minna, tu bravas un danger plus certain
Que le cercle, la grotte, et la source, et la rive ;
La source de ton noir chagrin
Est bien plus profonde et plus vive.

Minna, dont l’attention avait été quelques instants distraite par de tristes réflexions sur ses peines secrètes, la recouvra soudain et fixa sur Norna des yeux enflammés, comme si elle se fût attendue à trouver dans ces vers une révélation du plus vif intérêt. La sibylle du Nord, cependant, perça le morceau de plomb qui avait la forme d’un cœur, afin d’y passer un anneau d’or au moyen duquel on pût le suspendre à une chaîne on à un collier. Puis elle continua son chant.

Un démon exerça sur toi son influence ;
Heims est moins séducteur, Trolld a moins de puissance ;
Le chant de la sirène est moins doux que son chant ;
Il peut faire en nos cœurs fermenter notre sang,
Ou pâlir notre joue et dessécher nos veines.
Mais, avant de pousser le sujet plus avant,
Jeune fille, entends-tu mon mystère et tes peines ?

Minna lui répliqua en se servant du même rhythme qu’employaient souvent les Scandinaves :

Par signe, ou par discours, je vous comprends, ma mère ;
Ainsi, parlez-moi sans mystère.

« Ah ! que le ciel et tous les saints soient loués ! s’écria Magnus ; voilà les premières paroles qu’elle ait prononcées à propos depuis bien des jours. — Et ce sont les dernières qu’elle prononcera pour bien des mois, » dit Norna irritée de cette interruption, « si vous troublez encore les progrès de mon charme. Tournez vos visages

  1. On voit encore dans les montagnes d’Écosse bon nombre de ces cercles de gazon, où les fées passent pour former leurs danses au clair de la lune. Les paysans n’oseraient en faire le tour, ils craindraient que les fées courroucées ne leur jetassent un mauvais sort. a. m.