Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/336

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mer. — Hélas ! pauvre Bunce ! vous me devez peu de remercîments pour un pareil service. — Cela dépend de la manière de voir les choses ; pour ma part, je ne trouve aucun mal à lever des contributions sur le public d’une manière ou d’une autre. Mais je voudrais que vous oubliassiez ce nom de Bunce, pour m’appeler Altamont, comme je vous ai souvent prié de le faire. J’espère qu’un gentilhomme, écumeur de profession, a tout aussi bon droit à prendre un autre nom qu’un comédien ambulant, et je n’ai jamais monté sur les planches sans être au moins Altamont. — Eh bien donc, Jack Altamont, puisque Altamont est le nom… — Oui Altamont ; mais, capitaine, Jack n’est pas l’autre nom. Jack Altamont !… ma foi, c’est un justaucorps de velours avec des broderies de papier… Dite Frédéric, capitaine ; Frédéric Altamont, voici qui va tout seul. — Passe pour Frédéric Altamont, et de tout mon cœur, dit Cleveland ; mais, dites-moi donc, je vous prie, lequel de ces noms se placera le mieux en tête des Dernières Paroles, Aveux et Discours prononcés avant de mourir par John Bunce, ou par Frédéric Altamont, qui a été pendu ce matin à la place des exécutions pour crime de piraterie en pleine mer ? — Ma foi, je ne puis répondre à cette question sans un verre de grog, capitaine ; si donc vous voulez descendre avec moi jusqu’au quai, chez Bet Haldane, je réfléchirai sur cette matière, en m’aidant d’une vraie pipe de tabac de la Trinité. On nous servira le bol d’un gallon, plein du meilleur liquide que vous ayez jamais goûté, et je connais quelques drôlesses qui nous aideront à le vider. Mais vous branlez la tête… vous n’êtes pas en veine ?… en ce cas je resterai avec vous ; car, par cette main, Clem, je ne vous quitterai pas. Seulement je veux vous arracher à ce terrier de vieilles pierres, et vous mener à la clarté du soleil et en bon air… Où irons-nous ? — Où vous voudrez, pourvu que nous ne rencontrions ni vos coquins ni même personne. — En ce cas il nous faut aller sur la montagne de Whitford, qui domine la ville, et nous nous y promènerons aussi gravement, aussi honnêtement qu’un couple de procureurs affairés. »

Pendant qu’ils s’éloignaient du château ruiné, Bunce, s’étant retourné pour considérer son compagnon, lui dit :

« Écoutez donc, capitaine, savez-vous quel fut le dernier habitant de ce vieux poulailler ? — Un comte des Orcades, dit-on. — Et savez-vous de quelle mort il mourut ? j’ai ouï dire que c’était d’une cravate trop serrée… d’une fièvre de chanvre, ou de quelque chose comme cela. — Les gens du pays disent que Sa Seigneurie,