Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/338

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Cleveland n’avait nullement intention de prendre part à la scène animée qui se déroulait à ses yeux ; et prenant sur la gauche, ils gravirent la montagne dans une solitude complète. Seulement les coqs de bruyère, plus nombreux dans les îles Orcades que dans toute autre partie de l’empire britannique, se levaient à leur approche et fuyaient devant eux. Après avoir gravi sans s’arrêter presque jusqu’au faîte de cette montagne conique, ils se retournèrent tous deux, par un même mouvement, pour regarder et admirer la perspective qui s’étendait au dessous d’eux.

Les occupations variées auxquelles on se livrait, depuis le pied de la montagne jusqu’à la ville, donnaient de la vie et de la variété à cette partie de la scène ; plus loin on voyait la ville elle-même, d’où s’élevait comme une grande masse, qui semblait à elle seule plus considérable que tout le bourg, l’antique cathédrale de Saint-Magnus, de l’ordre le plus lourd de l’architecture gothique, mais grande, solennelle et majestueuse, ouvrage d’une époque reculée et d’une main savante. Le quai, avec les barques amarrées, ajoutait encore à la variété de la scène ; et non seulement la charmante baie qui s’étend entre les promontoires d’Inganess et de Quanterness, au fond de laquelle est située Kirkwall, mais encore toute la mer, aussi loin qu’elle était visible, et en particulier tout le détroit compris entre l’île de Shapinsha et celle qu’on nomme Pomona ou le Mainland, étaient couverts et animés par une infinité de barques et de petits vaisseaux, frétés des îles éloignées pour amener des marchandises ou des curieux à la foire de Saint-Olla.

Après avoir atteint l’endroit d’où cette belle et riante perspective se voyait dans sa plus grande étendue, chacun des étrangers eut recours à sa lunette d’approche pour aider son œil nu à considérer la baie de Kirkwall et les nombreux vaisseaux qui la traversaient. Mais l’attention des deux compagnons paraissait être arrêtée par des objets différents. Celle de Bunce, ou d’Altamont, comme il voulait qu’on le nommât, était fixée sur le sloop armé qui, remarquable par la forme des agrès et la longueur de la quille, aussi bien que par le pavillon anglais qu’on avait eu la précaution d’arborer, et ancré au milieu des vaisseaux marchands, s’en distinguait autant par sa belle tenue qu’un soldat discipliné au milieu d’une troupe de conscrits.

« Le voilà, dit Bunce ; plût à Dieu qu’il fût aussi bien dans la baie d’Honduras… vous, capitaine, dans le gaillard d’arrière ; moi, votre lieutenant, et Fletcher, contre-maître, avec cinquante