Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 16, 1838.djvu/363

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CHAPITRE XXXIV.

l’équipage.


Entendez-vous l’insulte grossière, l’amère raillerie, la fière menace répondant à la plaisanterie brutale ? les jurons résonnent comme des coups de pistolet ; les menaces s’entre-choquent, pareilles au cliquetis des épées… À de tels sons reconnaissez une querelle de brigands, et les honnêtes gens pourront y trouver leur profit.
La Captivité, poème.


Lorsque Cleveland, arraché en triomphe à ses ennemis de Kirkwall, se trouva de nouveau à bord du vaisseau pirate, son arrivée excita les joyeuses clameurs d’une grande partie de l’équipage. Presque tous les matelots coururent lui serrer la main et lui faire leurs félicitations sur son retour ; car la dignité de capitaine corsaire ne mettait pas grande différence entre lui et les derniers hommes du vaisseau, et jusqu’à l’heure du péril ils se regardaient comme ses égaux.

Quand le parti de Cleveland eut témoigné sa joie de le revoir, on entraîna le nouvel arrivant vers l’arrière où Goffe, le commandant actuel du navire, était assis sur un canon et écoutait d’un air sombre et mécontent les cris qui proclamaient la bienvenue de Cleveland. C’était un homme de quarante à cinquante ans, d’une taille au dessous de la moyenne, mais membré si vigoureusement que ses gens avaient coutume de le comparer à un vaisseau de soixante-quatre rasé. Ses cheveux noirs, son cou de taureau et ses épais sourcils, la vigueur de ses membres sans grâce et sa figure féroce formaient un contraste avec l’air mâle et le visage ouvert de Cleveland, chez qui l’exercice de son atroce profession n’avait pu détruire une grâce naturelle de manières et une heureuse expression de physionomie. Les deux capitaines corsaires se regardèrent quelque temps en silence, entourés chacun de leurs partisans. Les plus vieux de l’équipage s’étaient généralement rangés du côté de Goffe, tandis que les jeunes marins, à la tête desquels était Jack Bunce, s’attachaient à Cleveland.

Enfin Goffe rompit le silence… « Vous êtes le bienvenu à bord, capitaine Cleveland… de par mon couronnement de poupe ! Je suppose que vous vous croyez encore commodore ! mais tout a été